Sur le 2e tour à Montreuil
Par Patrick Petitjean
Ces derniers jours, plus que d’habitude, des argumentaires en faveur du maire sortant ont circulé sur Internet, ainsi que différentes informations – non fondées pour la plupart –concernant Dominique Voynet, la liste « Montreuil Vraiment ! » et l’attitude des uns et des autres pour le 2e tour. Ainsi de la déclaration de la liste « Ensemble… », de la lettre ouverte du PC à la LCR, de courriels circulant dans les milieux culturels.
Nous voudrions répondre à ce qui est argumenté, et démentir ce qui est faux.
Claude, Fabienne, Florence et Patrick
La déclaration de la liste « Ensemble… »
Il est tout à l’honneur de la liste « Ensemble… » soutenue par la LCR d’avoir refusé les 3 sièges proposés par J-P Brard en cas de « fusion technique » (où le maire sortant acceptait les conditions de la LCR), et d’avoir résisté aux pressions multiples (nationales…) pour qu’elle se rallie à un maire que la plupart des membres de cette liste combattent depuis toujours.
Les invitations à fusionner, lancées par J-P Brard dimanche soir à F. Mailloux et à D. Voynet, alors qu’il les empêchait de parler, étaient bien peu crédibles. La propagande ultérieure de Brard reprend cette pseudo invitation.
Tout aussi peu crédible est l’affirmation du tract de J.P Brard, ce lundi, selon laquelle « nous voulons demain un conseil municipal largement pluriel à gauche, qui soit un lieu de réflexions et de débats ouverts et constructifs » : le cynisme mensonger de cette déclaration se mesure à l’expérience des conseils municipaux depuis qu’il est maire, dont un exemple (lors du conseil du 23 septembre 2005) figure sur ce blog (billet : parler discourtois-3). Pluriel, ouvert, constructif : l’inverse des pratiques politiques du maire sortant.
Il est dommage que la liste « Ensemble… » n’ait pas été jusqu’au bout, et ait renvoyé Brard et Voynet dos-à-dos. Le raisonnement est bancal. Les reproches faits à Brard portent sur son bilan et son programme, en tant que maire. Les désaccords sont minimes entre « Ensemble » et « Montreuil Vraiment ! » sur ces sujets.
Au contraire, les reproches faits à Voynet portent exclusivement sur des questions nationales, sans rapport avec des enjeux montreuillois :
- La participation de Voynet au gouvernement Jospin, dont il est déduit qu’elle n’était pas vraiment antinucléaire. Procès d’intention ! Et d’ailleurs, Brard ne soutenait-il pas ce gouvernement, qui a sauvé la ville de la faillite en renflouant la Semimo ?
- Mollesse de son opposition aux pesticides et aux OGM. Procès d’intention encore ! Les Verts, dont D. Voynet, ont participé, sans illusion, au Grenelle, qui a permis (trop peu) de faire avancer la prise de conscience de l’urgence écologique, et a produit quelques mesurettes, même si les décisions postérieures (notamment financières) n’ont pas été à la hauteur des proclamations. Si J-P Brard est évidemment absent de ces enjeux environnementaux, Bruno Rebelle, ex-expert de Ségolène Royal en environnement, et qui joue maintenant ce rôle auprès de Brard, a-t-il eu une attitude différente de celle des Verts ? Non !
- Le supposé « non-respect » par Dominique Voynet « des 55% d’électeurs qui ont voté non au TCE » : elle a au contraire défendu la nécessité d’un référendum sur le traité « allégé », seul à même de modifier (ou non) le premier vote.
Les arguments avancés par la liste « Ensemble » pour rejeter D.Voynet nous semblent loin des enjeux montreuillois, et bien faibles pour la renvoyer dos-à-dos avec J-P Brard
La lettre ouverte d’O. Madaule (en tant que secrétaire de la section PCF) aux électeurs de la LCR
Suite à la décision de la liste « Ensemble », le PCF, par la plume d’Olivier Madaule, appelle les électeurs de cette liste à voter quand même pour la liste Brard.
On est très loin, dans cette lettre, de trouver un minimum de recul quand aux pratiques politiques de J-P Brard, pourtant peu appréciées par la section. Selon le PC, l’heure est au rassemblement. Il faut donc oublier les exclusives et insultes de Brard contre Clémentine Autain, le rejet par le même de Francis Rol Tanguy, et finalement la manière dont il a poussé dehors Patrick Darré. Où est la solidarité avec ces camarades ? Faut-il rappeler le jugement lucide porté par Patrick Darré dans sa déclaration de retrait à propos de l’incapacité de Brard à rassembler la gauche à Montreuil ?
La lettre ouverte du PC manque singulièrement d’arguments en faveur de J-P Brard, même s’il endosse l’idée saugrenue que celui-ci va constituer un conseil municipal pluriel, ouvert, constructif…
Le seul argument, c’est le TCE, dont on sait que ce n’est pas une ligne de partage entre les deux listes (les partisans du oui et du non sont répartis sur les deux listes). En quoi un débat datant maintenant de plusieurs années est un enjeu des élections montreuilloises en cours ?
Le PC conclut en affirmant que le choix est entre « une gauche qui flirte dangereusement avec le social libéralisme et le MoDem » et une « gauche qui se mobilise clairement contre la politique du gouvernement, (et) qui a su dire non à l’Europe néo-libérale ». Aucun exemple n’est donné, et pour cause, de ce flirt social libéral ni de l’absence de mobilisation contre la politique gouvernementale.
Les affirmations du PC sont de l’ordre des préjugés politiques et du procès d’intention. Elles sont même totalement contradictoires avec le début de la lettre, où il expliquait que les électeurs avaient manifesté au 1er tour un rejet massif de Sarkozy : comment Voynet peut-elle incarner ce rejet et ne pas se mobiliser contre Sarkozy ?
Et on croit d’ailleurs rêver : les « social libéraux » Hollande, Royal ou Baylet, étiquetés tels il y a peu, ne soutiennent-ils pas la liste de Brard ?
Reste la question du MoDem. L’alliance de « Montreuil Vraiment ! » et du MoDem est une rumeur entretenue depuis plusieurs semaines, et qu’on retrouve sur les blogs, les commentaires, les mailings pro-Brard : « Montreuil Vraiment ! » « flirterait » avec le MoDem ? Tout d’abord on en attend encore la preuve.
Ensuite on ne comprend pas cette diabolisation locale : le PCF n’a pas quitté les listes dirigées par le PS où figure le MoDem dans nombre de villes (seul LO l’a fait). Alors le MoDem de Montreuil est-il de droite ? Son programme donnait l’impression d’un centrisme humaniste, mais il ne faut jurer de rien, nous sommes bien d’accord.
Quoiqu’il en soit, le MoDem a été éliminé, et n’appelle à voter pour personne. Tout comme l’extrême gauche. Mireille Alphonse, son ex-tête de liste, s’est contentée de dire qu’à titre personnel, elle ne voterait pas Brard. D’autres, de la famille communiste, ont dit la même chose bien avant elle.
Cela ne donne à « Montreuil Vraiment ! » ni un tropisme MoDem, ni un tropisme communiste…
Le « désistement républicain »
Les valeurs démocratiques, les valeurs de gauche, sont indissociables de la liberté de choix entre plusieurs candidats dans une élection. Les candidatures uniques, les listes uniques, relèvent d’un autre système politique, le totalitarisme.
Quand la gauche était conquérante, dans les années 1970, et qu’il s’agissait de mettre fin au règne de la droite depuis 1958, a été inventé le « désistement républicain » : avec plusieurs candidats de gauche lors du premier tour d’une élection, ceux qui sont distancés se désistent au second tour pour le candidat de gauche le mieux placé pour gagner contre la droite.
Il s’agissait d’introduire un peu de cohérence dans la stratégie d’union de la gauche de cette époque, et de rompre avec les habitudes de la SFIO durant la 4e République.
Ce petit rappel historique pour souligner le fond de cette affaire (gagner contre la droite), alors que certains (comme J-P Brard) ne veulent en garder que la forme (se retirer en faveur du candidat de gauche le mieux placé).
C’est une perversion totale de la stratégie initiale. C’est la défense des élus sortants, rien de plus. Du conservatisme de gauche. En quoi un candidat unique permet de gagner contre la droite quand celle-ci a été éliminée dès le 1er tour ?
Pire, est-ce encore vraiment de gauche ? La démocratie fait partie des valeurs de gauche. La candidature unique, sans possibilité de choix, fait partie des pratiques totalitaires, staliniennes ou autres. Présenter une candidature unique au nom d’un prétendu « désistement républicain » permet sans doute d’obtenir des scores « de maréchal », avec 100% des suffrages exprimés. Mais cela ruine l’image de la gauche, de la démocratie. Cela encourage la droite ou l’abstention.
Et quand on entend le maire sortant, candidat, expliquer publiquement que les Montreuillois l’apprécient, avec comme preuve qu’il a été réélu en juin dernier, cela devient grotesque. J-P Brard a été élu député avant tout par une seule personne : François Hollande, qui a obtenu que la candidate PS, Mouna Viprey, retire sa candidature au nom du soit disant « désistement républicain ». Et François Hollande a apporté son soutien à Brard pour le 2e tour, « pour faire barrage à la droite ». Elle était où la droite lors de ce deuxième tour en juin dernier ? Déjà éliminée ! C’est franchement attristant de voir la gauche tomber aussi bas.
Voynet sera-t-elle élue grâce à la droite ?
Passons rapidement d’abord sur l’affirmation apparue dans un commentaire sur le blog « place de montreuil » selon laquelle D. Voynet aurait proposé à l’UMP de fusionner pour le 2e tour. Quand même, soyons sérieux ! La source semble en être un commentaire du journaliste de Libé (et non pas une citation de D.Voynet) affirmant le 10 mars, après le 1er tour, que « Voynet s’adressera y compris aux électeurs de droite ». D. Voynet ajoutait ( là c’est une citation) « la fidélité au maire joue aussi un rôle » Les électeurs de droite pencheront des deux côtés ou nulle part : c’est une évidence, et il n’y a rien de plus dans le papier de Libé.
Anticipant sans doute leur défaite, certains supporters de Brard nous expliquent que Dominique Voynet va être élue avec des voix de droite.
Rien ne permet d’affirmer cela : on sait qu’une partie des voix les plus conservatrices, votant à droite pour des élections nationales, votent facilement pour le maire sortant, figure rassurante, stable, le père d’une commune, qu’il soit de gauche ou de droite. On ne voit pas pourquoi Brard n’en bénéficierait pas lors des premiers tours, et ce n’est pas un reproche.
Lors d’un deuxième tour, les électeurs traditionnels de la droite ne retrouvant pas de candidats à leur goût, se partagent entre l’abstention, la stabilité du sortant, ou l’aventure du neuf.%%
Il y a bien longtemps que Brard n’apparaît plus comme un diable rouge. Et la « peur du rouge » n’est plus vraiment très vivace… Les militants UMP eux mêmes semblent divisés entre : ceux qui préfèrent J-P Brard pour prendre la mairie dans 6 ans, plutôt qu’avoir un nouveau maire qui aura alors fait ses preuves, - ceux qui sont contre les deux, - et ceux qui sont prêts à tout pour se débarrasser de J-P Brard
Sans parler de Monique Clastres à laquelle Brard fit tant de fleurs pendant cette mandature : faut-il rappeler qu’il préféra lui confier la présidence de la mission d’évaluation sur le logement social, plutôt que de faire élire une conseillère verte qui s’était battue pour l’existence de cette mission ? La complaisance du maire à l’égard de la droite a été patente lors de nombreux conseils municipaux depuis 6 ans.
Il n’y a pas de gène de droite (ni de gauche), ni de déterminisme social ou culturel de droite ou de gauche. Heureusement que des électeurs de droite viennent voter à gauche, sinon Mitterrand n’aurait jamais été élu.
Quand l’offre politique de la gauche est diversifiée, nombre d’électeurs se reconnaissent davantage dans les diverses gauches que dans les droites.
Lors de ce premier tour, les gauches et extrêmes gauches ont dépassé les 80% dans plusieurs villes, et pas seulement à Montreuil. A Romainville, c’était encore plus fort. Dans de nombreuses villes, la droite a été éliminée, il faut s’en réjouir, parce que des électeurs de droite ont fait du chemin vers la gauche. D’autres en feront lors des 2e tours.
On sait que ce n’est pas l’extrême gauche qui pourra assurer le succès d’une liste plus qu’une autre. J-P Brard comptabilise déjà l’extrême gauche (près de 10%) dans ses voix de 2e tour, en plus des siennes. C’est la méthode Coué : il sait fort bien que la liste « Ensemble » a refusé de fusionner avec la sienne, et d’appeler à voter pour lui, comme en 2001. Et il sait très bien qu’en 2001 l’extrême gauche (12% alors) s’était reportée aux 2/3 pour les Verts, et pour 1/3 seulement sur sa liste.
Ni les reports de l’extrême gauche ou du MoDem ne feront la majorité, pour l’un comme pour l’autre. L’un comme l’autre auront besoin de voix de droite et des abstentionnistes. En aucune manière, le 2e tour ne sera arbitré par la droite. L’UMP vient d’ailleurs de distribuer un tract appelant à l’abstention ou au vote blanc, refusant, selon leurs termes de « jouer les arbitres de la lutte fratricide que vont se mener Jean-Pierre Brard, de toutes façons en fin de règne, et l’aventureuse Dominique Voynet ».
Pour finir, les électeurs de droite doivent-ils être considérés comme des sous citoyens, auxquels il est dénié le droit de choisir la gauche qu’ils préfèrent?. Ce sont des citoyens comme les autres, et les règles démocratiques s’appliquent à tout le monde. On a presque l’impression d’une conception communautariste de la politique : la gauche choisit entre elle, la droite étant exclue…
Une variante de cette accusation est que la victoire de Voynet serait la victoire des « bobos » contre la mixité sociale. Pour nous, ce mot n’a aucun sens : quoi de commun entre un propriétaire de loft, un intermittent du spectacle ou un jeune couple d’enseignants contraint professionnellement de venir en région parisienne ?
D’une part, nous n’avons pas l’impression que la composition sociale des deux listes en présence soit fortement différente l’une de l’autre.
D’autre part, nous n’avons pas l’impression que les différentes opérations immobilières encouragées par la municipalité sortante aillent tellement dans le sens de la mixité sociale. L’habitat populaire « de fait » (privé) diminue sur cette ville. Qui est responsable, par ses priorités depuis 20 ans, de la coupure entre le bas et le haut Montreuil ?
Les priorités de notre programme, les engagements vont au contraire dans le sens du maintien du caractère populaire de Montreuil et de faire bénéficier TOUS les Montreuillois de la même qualité urbaine.
Voynet sans programme ?
C’est quelque chose de souvent entendu, à la suite de Guédiguian, qui semble mal maîtriser son rôle « d’intellectuel », notamment affirmé par des supporters de J-P Brard lors de certains reportages TV.
Nous vous invitons à aller sur le site de la campagne. On y trouve différents tracts, avec leurs propositions thématiques. Et un programme de plus de 50 pages, comportant d’une part des engagements prioritaires, volontairement limités (il faudra un audit pour connaître la situation financière réelle de la ville), et des propositions à mettre en œuvre en fonction des discussions avec les habitants (la démocratie participative) et des moyens financiers.
« Montreuil Vraiment » a refusé de faire des listes abracadabrantesques de promesses comme en a fait le maire sortant (30 000 emplois…)
Pour conclure
Que dire d’un maire sortant et candidat, qui après avoir traité par le mépris les élus écologistes pendant 7 ans, après avoir coupé le micro au soir du 1er tour, envoie… un huissier jeudi après-midi à Dominique Voynet pour la convoquer à un débat contradictoire en sa mairie la veille de l’élection ? Il est temps d’en finir avec ces moeurs politiques. L’extrait vidéo du conseil municipal du 23 septembre 2005 suffit pour disqualifier les propositions de débats faites par Brard.
Montreuil Vraiment est une liste très plurielle, avec des militants expérimentés. D. Voynet est la première de ce point de vue, mais d’autres ont aussi des expériences d’adjoints et d’élus. La principale richesse est cependant le renouvellement, avec une majorité de militantes et de militants ayant une expérience de terrain.
Ce qui les réunit, c’est la conviction qu’il faut faire sauter le verrou qui bloque les dynamiques citoyennes sur cette ville, qui bloque la mise en œuvre de projets réellement sociaux, écologiques et démocratiques.
Nous nous situons dans une perspective de partenariat, après les élections, avec les autres forces politiques, dans le cadre de la transformation que nous ferons des pratiques politiques : ouverture des commissions municipales à des non-élus, pluralisme de la presse municipale, reconstruction d’un conseil économique et social, accès aux documents municipaux… Ceci concernant autant les citoyens que les élus minoritaires et les courants politiques sans élus.
Plus, nous pensons que le changement de municipalité permettra non seulement un changement des pratiques politiques du maire et des élus, mais aussi, le verrou brardiste étant levé, que ce changement provoquera un formidable élan des initiatives citoyennes des Montreuillois. Le changement démocratique dans la ville, c’est d’abord ce que les habitants en feront.
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