Un résultat électoral « singulier », en ce sens qu’il ne s’est pas reproduit, même si ce bureau était, et est resté, favorable. Ce score était le résultat d’un conflit entre une partie des habitants et le maire dans les derniers mois de l’année 2000, juste avant les élections.
Il est intéressant de revenir sur ce conflit, car très éclairant sur la politique et les pratiques municipales, qui n’ont guère changé – et sur leurs conséquences.

Il s’agit d’une maison, située 41 rue Arago, achetée par la ville en 1997 dans la ZAC Garibaldi, pour être démolie

Patrimoine
Cette maison avait été construite en 1936 par un ouvrier anarchiste italien au moment des grèves du Front Populaire. Deux étages, un jardin à l’arrière, une façade agréable avec des fenêtres à vitraux, sans être exceptionnelle. Un intérieur en excellent état. Son propriétaire, Auguste Boccarelli, âgé à l’époque de 91 ans, était une figure aimée du quartier, où on le rencontrait encore sur son vélo, malgré son âge. Exproprié, il habitait encore le quartier. Il est mort quelques mois après la démolition de sa maison.
Cette maison faisait donc partie de la mémoire du quartier, de sa mémoire sociale surtout. Elle était le témoin du savoir faire ouvrier de cette époque.

Une démolition programmée
Entre l’arrière du jardin de cette maison et la rue de la Révolution, existait une parcelle en friche, également dans la ZAC Garibaldi, où la ville avait décidée d’une opération immobilière d’accession à la propriété, entre standing et social. La parcelle fut donc vendue à un promoteur (Arc Promotion, dont ce fut la première opération sur la ville). Compte tenu de la profondeur de la parcelle (dans laquelle butte la rue du Sergent Godefroy à son débouché rue de la Révolution), et pour mieux exploiter les droits à construire (85 appartements, la résidence Arthur Rimbaud), le promoteur a voulu une allée intérieure, pour construire et ouvrir ses deux hauts immeubles sur cette allée et non directement sur la rue de la Révolution. C’est ce que le service d’urbanisme de la ville appelait « une meilleure constructibilité ».

L'entrée de la résidence Rimbaud vue de la rue de la Révolution

La décision de la ville a été de prolonger cette allée privée par une allée publique jusqu’à la rue Arago, laquelle allée publique devait prendre la place du jardin et de la maison du 41 rue Arago A beaucoup plus log terme, d’autres percées devaient être faites pour rejoindre la rue Bara à travers les îlots actuels.
Pour davantage de m2 à construire, l’allée a été faite étroite, trop pour que les pompiers puissent y faire demi-tour une fois entrés. D’où l’argument fallacieux ultérieur du maire : il faut démolir la maison pour faire un accès pompiers…
Pour mieux vendre les appartements, le promoteur a vanté l’existence d’une allée piétonnière qui permettait d’accéder plus vite au métro Robespierre…

Une occupation contre le mal-logement et la démolition
Pendant l’été 2000, la démolition semble proche, des pétitions circulent dans le quartier contre la démolition.
Informée de la situation de cette maison, plusieurs familles mal-logées, proches du DAL, sont alors venues habiter cette maison. Le soutien est important dans le quartier. Le maire réagit avec brutalité : demande d’expulsion en accéléré, permis de démolir accordé et affiche fin août.

Expulsion et démolition express, malgré un permis de démolir illégal.
Fin octobre, le tribunal décide de l’expulsion des occupants. Les occupants et leurs soutiens manifestent lors du conseil municipal du 7 novembre. Malgré la trêve hivernale, l’expulsion a lieu de 17 novembre 2000.

Expulsion

murage

J’avais déposé un recours au tribunal administratif et un recours gracieux auprès du Préfet contre le permis de démolir. La veille de l’expulsion, le maire avait reçu une lettre du Préfet lui indiquant que son permis de démolir était illégal : il n’y avait pas l’avis de l’architecte des bâtiments de France, la maison étant dans le périmètre de protection d’un bâtiment classé. Le Préfet demandait a maire d’annuler son permis de démolir, ce que le Préfet ne pouvait faire lui-même. Que croyez-vous que fit le maire ? Se remit-il dans la légalité ? Du tout, il fit démolir la maison dès le 24 novembre, avant que le tribunal administratif n’ait le temps d’annuler ce permis.

Démolition en cours, vue de l'arrière de la maison

Depuis 2001…
Le passage a été construit. Mais il reste fermé « pour des raisons de sécurité ». La grille est restée fermée par un cadenas de puis 7 ans. Domaine public, le passage sert d’extension de la cour pour la résidence (privée) et de terrain de jeux pour les enfants qui y habitent. Le passage est éclairée comme toute voie publique.
Le conseil de quartier n’a pas eu de réponse à ses demandes d’ouverture du passage.

Passage fermé

Gâchis financier
L’opération a donné lieux à des aller retour opaques entre la ville et la SEM Modev, l’aménageur de la ZAC dans le maquis des chiffres, on peut comptabiliser plus d’un million d’euros pour l’achat, la démolition, la construction du passage. S’y ajoutent des frais financiers, et l’éclairage inutile depuis 7 ans.

En guise de bilan
Mépris du patrimoine et de la mémoire sociale du quartier, mépris des habitants, culture de la table rase, complaisance envers les promoteurs immobiliers, mépris de la légalité, gabegie financière, incohérence de la politique d’aménagement, sans parler de l’attitude brutale vis-à-vis des squatters, on a là un bon condensé de la politique conduite par Jean-Pierre Brard.
Ce cas n’est pas isolé. Cette politique coûte très cher aux finances de la ville. C’est un gisement d’économies.