C’est en 1996 que la ville de Montreuil avait fait sa priorité de cette extension du tramway T1, traversant la commune en lieu et place de l’autoroute A186. En 1996, le T1 s’arrêtait encore à Bobigny, le recours au tramway ne s’était pas encore imposé comme une alternative, moins couteuse, au métro et, surtout, comme un moyen de requalification urbaine. La RATP commençait seulement à prendre en considération la solution des tramways plutôt que celle des métros type VAL (métro automatique, de Matra, comme la ligne Orlyval).
A l’époque, le soutien de la ville au projet Orbitale (justement une boucle de métro VAL à quelques centaines de mètres seulement du périphérique) avait été relégué en seconde priorité, alors que c’était encore le projet affiché prioritaire par la RATP (et par l’ancien maire jusqu’à cette date). Revendication historique de la ville, l’extension du métro M9 vers le haut de Montreuil restait affichée comme première priorité à l’égal du tram, mais sans perspective crédible ni concrète de réalisation (la RATP y était hostile).
C’est donc seulement aujourd’hui, 16 ans après, que le projet T1 semble enfin sur de bons rails. Le retard pris tient beaucoup aux difficultés pour boucler le tour de table financier (y compris le coût de la déconstruction de l’autoroute A186) et, ces dernières années, à l’opposition de la droite au pouvoir à Noisy-le-Sec, refusant un trajet au centre de sa ville.
Le retard était tel que le doute s’était installé parmi nombre d’habitants de Montreuil sur la réalisation effective de ce prolongement. Comme pour le métro M9, défendre ce projet T1 semblait n’âtre qu’une figure de rhétorique dans les discours publics.
Pour les oppositions au sein du conseil municipal et pour l’UMP, le « sur-place » du dossier tram symbolisait déjà un échec majeur de la municipalité actuelle. Il s’agit pourtant d’une question d’intérêt général, qui aurait du dépasser les clivages partisans, au moins au sein de la gauche. Peu de jours avant ce conseil du STIF, le Front de Gauche (dans ses diverses composantes) appelait encore à un débat sur les transports publics où il affirmait que l’extension du tramway était repoussée aux « calendes grecques » : « pan sur le bec ». Il est difficile d’être plus à côté de la plaque, et il y a une manière de s’opposer à la municipalité qui rend myope !

Comme tout projet d’ampleur, l’extension du tram suscite, le long du trajet, des oppositions diverses. En faisant complaisamment la liste de ces oppositions, on laisse, parfois volontairement, planer le doute sur la réalisation de l’extension : Cependant, au regard des différents problèmes que le prolongement du T1 rencontre, personne ne peut dire actuellement quelle sera l’issue de cette enquête publique et si la déclaration d’utilité publique (DUP) sera prononcée : les arguments de Noisy-Le-Sec pour le non passage du T1 rue Jean Jaurès, la fermeture aux voitures des voies latérales entre Mozinor et la place des Ruffins, le SMR (Site de Maintenance et de Remisage) dont l’emplacement et l’architecture sont remis en cause par certaines associations, l’emplacement d’arrivée de la gare au Val-de-Fontenay, l’intérêt du tram pour les habitants actuels des Hauts de Montreuil,… a-t-on pu lire dans un compte rendu de conseil de quartier. La principale opposition au tracé du T1 est celle de la municipalité de Noisy-le-Sec, et le principal défaut technique est probablement la distance entre la gare d’arrivée du tram à Val-de-Fontenay et la station du RER. Mais de là, mettre tous les problèmes à un même niveau d’importance, sans nuances, cela relève d’un parti pris inquiétant. Surtout quand on y inclue la phrase sur l’intérêt du tram pour le haut de Montreuil…

Une extension du tram inutile pour Montreuil ?

Un élément du dossier (secondaire au regard de l’ensemble du projet) fait actuellement l’objet d’une mobilisation parmi des habitants de plusieurs quartiers du haut de Montreuil et de Fontenay-sous-bois (voir mon billet du 16 novembre dernier) : la création d’une esplanade, réservée aux circulations douces et donc interdite à la circulation automobile, à la place de la A186 entre les rues de Rosny et de la Nouvelle France, pour mieux relier les deux parties du quartier des Murs-à-Pêches dans le cadre de la mise en valeur de ce patrimoine. L’avenue ouverte à la circulation automobile le long du futur tram se situera seulement entre la rue de Rosny et Romainville.
Les opposants à ce projet d’esplanade mettent en balance l’intérêt (faible selon eux, et faite pour les « bobos » du bas Montreuil) de la mise en valeur des Murs-à-Pêches et les désagréments (forts selon eux) tant pour certains automobilistes de ne pouvoir traverser ce secteur, que pour des riverains à cause des reports de circulation. L’enquête publique arbitrera ce point. Mais ce groupe d’opposants, au-delà de la question de l’esplanade, met aussi en avant le peu d’intérêt (voire l’absence totale d’intérêt) de l’extension du tram pour les habitants de leurs quartiers. Et que l’extension du métro M9 peut seule donner sens au passage du tram par Montreuil, par leur interconnexion. Le reproche est donc fait à la municipalité actuelle d’avoir privilégié le tram plutôt que le M9.
En façade, le soutien à l’extension du tram est réaffirmé, mais l’argumentation met en cause l’intérêt du projet lui-même directement dans les discussions avec ce groupe, ou indirectement : voir la citation plus haut.

Pourtant, comme l’a expliqué au Parisien en décembre Fabienne Vansteenkiste, adjointe en charge des déplacements, plusieurs dizaines de milliers de Montreuillois, qui ne sont à ce jour desservis par aucun transport de capacité, vont enfin avoir un accès direct au réseau francilien. Par exemple, un habitant de la place le Morillon sera désormais à moins de 25 minutes de Bobigny ou de la gare de Châtelet-les-Halles. En dix minutes de tram, un habitant du quartier des Ruffins rejoindra la place Carnot de Romainville où passera en 2019 la ligne 11 du métro.



Un projet qui a évolué depuis 2008

Sous l’égide d’un garant, un débat public avait été organisé en 2008, quelques mois après les élections, sur la base du pré-projet de l’époque pour l’extension du T1.
Le tram doit prendre la place de l’autoroute A186, jamais achevée et qui devait à l’origine couper Montreuil en deux en vue de desservir Fontenay, zone de développement économique privilégiée dans les années 1960. L’ancienne municipalité avait laissé subsisté, dans cet avant-projet, des boulevards urbains le long du tram, résorbant assez peu la coupure entre les deux parties de Montreuil.
Les réflexions de 2008 et 2009, notamment avec le plan guide de l’écoquartier « les Hauts de Montreuil », le travail sur la mise en valeur des Murs-à-Pêches, ont permis d’aller beaucoup plus loin que ce qui avait pu être discuté au moment du débat public. La municipalité a obtenu l’accord des copilotes de ce dossier (STIF et Conseil général) plusieurs modifications importantes : la réduction de l’emprise du boulevard urbain sur tout le trajet dans Montreuil, de manière à libérer des espaces pour répondre aux besoins en logement (évidemment essentiel le long d’un transport « lourd »), meilleur positionnement des stations du tram au regard des perspectives d’équipements, suppression de la tranchée des Ruffins (qui devait permettre une descente en pente douce vers Fontenay, mais un matériel plus moderne permet une descente plus rapide, donc sans tranchée), etc.
Parmi ces modifications, il y a aussi, bien sûr, l’esplanade des Murs-à-Pêches et ses conséquences, la fin du transit pour les voitures dans ce secteur et les changements à venir dans la circulation automobile autour du secteur.

Le prolongement du métro M9

Le prolongement du métro M9 est une question très identitaire à Montreuil depuis des dizaines d’années. La RATP a toujours été – souvent poliment – hostile, faute d’une densité suffisante de logements ou d’activités à desservir. Le tracé de ce prolongement a d’ailleurs changé sans arrêt, ainsi que son terminus. Les études de la RATP n’ont jamais atteint le stade d’un avant-avant-avant-projet… Pourtant l’ancien maire avait essayé d’attirer la RATP en mettant à sa disposition plusieurs hectares au milieu des Murs-à-Pêches pour installer de nouveaux ateliers en « tête de ligne ». Aujourd’hui, avec les projets de développement (l’écoquartier des Hauts de Montreuil) qui accompagnent (et sont accompagnés par) l’extension des moyens de transports collectifs, et avec la fonction « nodale » de l’Hôpital intercommunal (T1, M11, M9 ensuite, M3 aussi à long terme) cette extension du M9 revêt une nouvelle actualité, avec un tracé, cette fois, crédible.
Fallait-il pour autant mener maintenant une forte campagne, médiatique notamment, pour l’extension du M9, alors que le dossier du tram T1 ne sera sécurisé que dans un an, avec la future déclaration d’utilité, et que celui du métro M11 attend encore pour quelques semaines son bouclage financier ? Le reproche est souvent fait à la municipalité de négliger le prolongement du M9, ou même de s’y opposer comme une rumeur l’insinue. La municipalité a effectivement fait le choix de ne pas changer son fusil d’épaule en faisant passer le M9 comme une priorité face au T1 et au M11, de ne pas brouiller le message en mettant en avant tous les projets potentiels à la fois. Mobiliser des financements est particulièrement difficile dans la période actuelle (voir les difficultés du Grand Paris Express), et jeter la suspicion sur les priorités de la ville risquait de conduire à reposer la question de la pertinence de l’extension du M11 au regard de celle du M9 : en voulant tout, on n’aurait rien. Comme dit un dicton, « qui trop embrasse mal étreint ». La priorité de la ville, c’est aussi la construction des projets solidairement avec les villes avoisinantes, et de ne pas rompre ce travail en commun au gré de nos humeurs. Il y avait dans cette ville une tradition de gesticulations, où l’on défend des « causes », pas des dossiers construits, et où l’on enchaîne les échecs : quel est le bilan des années 1996-2008 ?
Jusqu’à la déclaration d’utilité publique de l’extension du M11 (début 2014 sans doute), la municipalité construit patiemment le dossier justifiant le prolongement du M9(et le début des constructions dans la ZAC Boissière-Acacia n’est pas le moindre des arguments), et a jeté les bases d’un « lobbying politique » en constituant une association pour le M9.

Les autres projets de transports publics concernant Montreuil

Le prolongement du métro M11 de la mairie des Lilas à Rosny-Bois-Perrier n’est pas encore totalement bouclé sur le plan financier : le coût est passé de 1 milliard à 1,4 milliard (renouvellement du matériel roulant, passage à 5 voitures au lieu de 4, et modification des stations existantes compris). Le dossier sera validé lors du conseil du STIF de février 2013. L'enjeu pour le M11, c'est actuellement que l'enquête publique puisse se faire en juin 2013, sinon, il est possible qu'à cause des élections municipales, le préfet interdise ensuite une enquête publique avant juin 2014. La mise en service toujours prévue en 2019 sauf en cas de report de l’enquête publique remise à juin 2014. Toutes les villes concernées, dont Montreuil, interviennent fermement et en commun pour éviter ce retard, y compris Noisy-le-Sec.

En ce qui concerne le métro M1 (dont l’extension du Château de Vincennes jusqu’aux Rigollots figurait dans le schéma directeur élaboré en 1996), de nouvelles études sont en cours, et le projet est désormais de la prolonger au Val-de-Fontenay, avec une station intermédiaire entre les Rigollots et le nouveau terminus, pour laquelle une des trois options, sans doute la plus probable, serait sur Fontenay, mais en limite des Grands Pêchers à Montreuil. L’horizon pour réaliser ce projet est 15-20 ans.
A un horizon au moins aussi lointain, la RATP étudie également un éventuel prolongement du métro M3 de Gallieni (Bagnolet) vers l’Hôpital intercommunal.
Dans le genre « les milliards poussent sur les arbres », et « dépouiller Pierre pour habiller Paul », il est également reproché à la municipalité de ne pas avoir soutenu l’idée que la branche Est du métro du Grand Paris aurait passer par Montreuil, au lieu des deux tracés actuellement retenus, par Bobigny ou plus à l’Est où les communes ont fortement besoin d’être désenclavées depuis nombre d’années. On est dans la démagogie du « tout est à nous, rien n’est à eux ». Ce projet de métro du Grand Paris a encore plus de difficultés de financement que les autres projets, et va subir des rééchelonnements dans le temps, même si, initialement, les horizons étaient plus rapprochés que pour les M3, M9 et M1. Et quand on charge trop une barque, elle coule : la lisibilité des priorités est la condition de la réussite des projets.
Bien entendu, le système de lignes de bus sera revu par la RATP à l’occasion de l’arrivée du tramway. Une discussion évidemment à anticiper avec les habitants. La question d’une navette cadencée reliant un des stations du tramway au métro Mairie de Montreuil se reposera certainement.