Sur cette affaire du Méliès, je n'ai jamais participé à la décision. Et en même temps, proche des milieux du cinéma, et cinéphile boulimique, je suis très sensible à la crise actuelle.

Résumé de l'affaire selon moi : quand la maire a découvert que beaucoup d'argent (on parle de 143000 €) avait été soustrait à la comptabilité publique, il est certain, et elle le savait, que la meilleure politique, celle qui poserait le moins de problèmes, celle qui serait la plus payante, tant au point de vue électoral qu'à celui de la qualité de notre cinéma, aurait consisté à étouffer l'affaire, avec un minimum de vagues.

On avait un directeur de cinéma hors pair, qui avait su faire du Méliès "le" cinéma de banlieue le plus réputé, celui où tous les réalisateurs et producteurs de films de qualité rêvaient de faire leur avant-première, celui où il était important de projeter un film, d'animer une séance.

On aurait bien pu donner au cinéma 143000 € de subvention de plus en six ans sans que ce soit un drame.

N'importe quel politique un peu malin aurait pensé qu'il valait mieux laisser courir, que la qualité et le prestige de notre cinéma valait bien cet argent, même s'il était en partie destiné à payer des taxis à un homme qui aurait pu, comme tous les autres, comme moi, rentrer en métro à 23 h.

Mais voilà, accepter de fermer les yeux, c'était tourner le dos à la vertu, à ce que je considère comme fondamental dans la vie politique. Beaucoup, beaucoup trop, d'hommes politiques sont prêts à fermer les yeux sur les "petits accrocs" de ceux qui les servent.

Il était probablement suicidaire de choisir de ne pas fermer les yeux.

J'aime à croire que Dominique Voynet le savait, ou du moins savait que c'était très risqué politiquement.

Elle a choisi, nous avons choisi avec elle, la vertu plutôt que le "sens politique".

Moi qui suis cinéphile, je vais sans doute regretter l'aura de Goudet, qui a fait de "mon" cinéma le meilleur de toute la banlieue. Je vais regretter cette crise qui amène tous les cinéastes que j'aime à nous haïr.

Mais je suis fière que mon équipe ait choisi la vertu face à la compromission. La vertu plutôt que l'efficacité.

Je suis sans doute une rêveuse inadaptée, et d'ailleurs je vais bientôt quitter le monde politique, bien trop dur pour moi.

Mais sur ce coup-là, maintenant et à jamais, je suis fière de Dominique Voynet et de son choix. L'argent du peuple, c'est sacré, et même le plus génial programmateur n'a pas l'utiliser à sa guise.

La vertu ou l'efficacité. Dommage qu'il faille choisir. Mais je choisis la vertu.

Fabienne Vansteenkiste