On trouvera ici l'intégralité des conclusions de la CE (commission d'enquête), dont ses recommandations. Le rapport lui-même fait près de 200 pages. On ne boudera pas son plaisir devant ce feu vert qui fait suite à plus de 10 ans de bataille. Et qui fait le lit des manœuvres dilatoires de l'ancien maire pour retarder le passage du tram à Montreuil pour ne pas avoir à mettre le débouché de ce projet au crédit de Dominique Voynet qui lui a succédé.
Le tram T1, les métros L11 et L1 sont en bonne voie. Reste la prolongation du métro L9 de la mairie à l'hôpital intercommunal pour interconnecter tout.
Le passage du tram par Montreuil permet d'en finir avec l'autoroute inachevée A186 supposée relier la A3 et la A86 à Fontenay-sous-Bois, mais qui s'arrêtait au molieu de Montreuil. C'est sur cette autoroute, fermée à la circulation pour l'occasion, que des dizaines de milliers de personnes ont participé à l'éco-festival (5e édition) le dimanche 22 septembre : se réapproprier les espaces indûment dédiés à la circulation automobile, c'est populaire...

La participation à l'enquête
La participation a été nombreuse, principalement à Noisy-le-Sec et Montreuil, pétitions à la clé. Pour Montreuil, il y a eu des lettres ou observations sur le registre de la part d'élus de la majorité (Fabienne Vansteenkiste, Joslène Reekers, Claude Reznik, Muriel Casalaspro, Claire Compain et Patrick Petitjean) pour défendre tant le principe du projet que son insertion dans les MAP. Des lettres aussi, de Jean-Pierre Brard (comme député-maire honoraire), de Mouna Viprey (pour RSM – des socialistes hors-PS) et (commune, pour le PC) de Jean-Charles Nègre, Belaïde Bedreddine, Djenaba Keita et Patrice Bessac : tous pour le tram, mais avec des réserves, j'y reviendrai. Frédéric Molossi, Jean-Charles Nègre et Dominique Voynet ont été reçus, à leur demande, par la CE. On note l'absence étrange des élus municipaux « communiste et FASE » dans cette enquête. Et encore plus surprenant le silence assourdissant du député et candidat-maire Razzy Hammadi.
Plusieurs associations se sont aussi exprimées : l'AMUTC, MAP, Montreuil Environnement, UAU et ADEPT. Plus le collectif dit « interquartiers ».
Brard, toujours dans un rôle de grincheux, s'était plaint de ce qu'une enquête publique à cette période ne permettait pas aux habitants de s'exprimer, que les débats publics avaient été insuffisants. Dans son rapport, la CE le renvoie sur les roses, soulignant la très forte participation.

La traversée du centre de Noisy
Il y avait un problème conflictuel majeur, la traversée du centre de Noisy-le Sec, susceptible de remettre en cause le projet lui-même. Ce passage par le centre ville est refusé depuis des années par la municipalité (UMP) et des habitants. La gauche (PC, PS et EELV) soutient le projet avec quelques aménagements. Sur cette question, parmi les Montreuillois, Brard et l'AMUTC sont intervenus. Brard pour apporter son soutien au maire UMP de Noisy-le-Sec, affichant le fait d'avoir été, en sa compagnie, rencontrer le Préfet le 28 mai pour « soutenir la proposition très positive de compromis » faite par le maire de Noisy-le-Sec. Il est partisan de repousser les travaux, le temps de mettre sur pied ce projet alternatif. L'AMUTC (lire sa contribution ici), de son côté, propose son propre projet alternatif et demande aussi de repousser l'utilité publique jusqu'à un compromis.
Toutes les propositions de changement de tracé à Noisy-le-Sec ont été rejetées par la CE.

Le Site de Maintenance et de Remisage (SMR) du tramway
La localisation du SMR, un équipement qui conditionne le tram, était le deuxième problème majeur. A l'origine, il devait être en plein cœur des MAP, rue Maurice Bouchor. Pour faciliter l'arrivée du tram, quand il était maire, Brard avait proposé l'intérieur des MAP pour les ateliers du tram (comme pour ceux de la ligne 9 du métro, d'ailleurs). C'était quelque chose d'acquis pour les maîtres d'ouvrage et les techniciens. Quelque part, il était in-envisageable de mettre le SMR ailleurs, la question n'avait pas été soulevée.
En 2008, la nouvelle municipalité a, malgré tout, essayé d'en changer la localisation, voir de trouver d'autres solutions techniques (un SMR enterré, en longueur). Une autre localisation a été étudiée à Romainville. La localisation « MAP », simplement transférée à l'endroit de l'échangeur entre la A186 et la rue de Rosny, est restée le choix des maîtres d'ouvrage. La ville ne s'y est pas opposée. L'effort de la ville, et des maîtres d'ouvrage, a consisté alors à améliorer l'insertion du SMR dans le site pour limiter son impact.
Cette solution n'a pas levé l'opposition des associations de défense des MAP : Montreuil Environnement et l'association MAP, ainsi que UAU (des urbanistes) sont intervenues à l'enquête pour récuser cette localisation.
Brard, un peu amnésique de sa responsabilité initiale sur la localisation, a proposé de profiter du délai qu'il demandait pour changer le trajet à Noisy-le-Sec pour aussi déplacer le SMR à Fontenay-sous-Bois : une idée tardive et fantaisiste, juste destinée à tenter de récupérer les opposants.
Les choses étaient sans doute trop engagées depuis des années pour revoir complètement la copie du SMR. La municipalité n'était pas non plus dans la logique « on prend le risque de fragiliser le dossier tram ». Malgré tout, le SMR à cet endroit, c'est un échec, et cela reste violent pour le site.

La traversée automobile des MAP
Comme le souligne Mouna Viprey dans sa contribution, c'est un « point particulier » du projet tram. Ce n'est pas un point essentiel, mais il a, avec le trajet au centre de Noisy-le-Sec, été celui qui a suscité le plus de commentaires lors de l'enquête publique.
Le projet de la ville, repris par les maîtres d'ouvrage dans le dossier d'enquête, consiste à dévier la circulation automobile entre Mozinor et le carrefour des Ruffins. Pour traduire un double parti pris d'aménagement : la mise en valeur du cœur des MAP, et une rupture dans l'avenue paysagère qui accompagne ailleurs le tram. Rupture nécessaire dans la mesure où ce secteur est protégé et n'est pas un secteur d'habitation. Une bonne insertion du tram doit conduire à adapter son passage aux secteurs traversés, et non à les banaliser par une avenue paysagère à l'identique
Ce parti pris est refusé par une partie des habitants, en raison l'augmentation du temps de parcours pour rejoindre (ou venir de) Paris, et pour les risques d'embouteillages dans les rues entre les quartiers Nord et le centre de Montreuil. Les prévisions de circulation étudiées par les techniciens, qui n'étayent pas ces craintes, étaient rejetées par les opposants.

Les oppositions à la déviation de la circulation
Le collectif interquartiers affirme dans sa lettre à la CE regrouper les Conseils de quartier (NDPPJ : ce qui est évidemment abusif, il y a 14 conseils, dont 4 participent au collectif à travers certains de leurs animateurs) et avoir fait circuler une pétition qui a recueilli plus de 3100 signatures « papier » et 488 « internet ». Il met l'accent sur l'absence de concertation, sur l'allongement du temps de parcours Paris-Montreuil (voir ici les extraits de la lettre du collectif repris dans le rapport).
L'AMUTC, dans sa contribution a soutenu le collectif, en soulignant le caractère « non concerté » de la décision de rompre la continuité de l'avenue paysagère, et propose que « la voie paysagère soit rétablie comme elle était à l'origine ». Montreuil Environnement, par contre, a apporté son soutien à cette déviation.

On peut s'arrêter un peu sur la contribution commune de Nègre, Bedreddine, Keita et Bessac pour le PCF. Ils mettent l'accent sur le fait que le projet actuel diffère de celui soumis en 2008 en raison de la coupure de l'avenue paysagère, et estiment qu'il n'y a pas eu de concertation avec la population à ce sujet.
« La piétonisation du secteur des MAP favorisera un accroissement des embouteillages dans les rues de Rosny, Pierre de Montreuil et Aristide Briand déjà encombrées, et par conséquent, des retards pour les bus. La circulation entre le Haut et le Bas Montreuil, aujourd’hui facilitée grâce à cet itinéraire, sera forcément compliquée.
Lorsqu’ils ont eu connaissance de ce projet, les représentants des Conseils de quartiers concernés se sont fortement mobilisés et ont engagé une pétition contre la suppression de la circulation automobile sur ce secteur. Plus de 4000 Montreuillois ont aujourd’hui signé cette pétition. (NDPPJ : l'inflation du nombre de signataires est amusante. Et encore plus de les considérer comme Montreuillois, alors qu'une bonne partie est constituée d'usagers de la A186, habitants de Fontenay-sous-Bois et Rosny)
Aussi, sans que le projet de prolongement du T1 ne prenne de retard dans sa réalisation, nous souhaitons que les aménagements autour du tramway le long de l’actuelle A186 puissent être revus. Les voitures doivent pourvoir circuler aux côtés du tramway, des vélos et des piétons tout le long la nouvelle avenue paysagère dans des conditions fortement réglementées, notamment en ce qui concerne la vitesse maximale autorisée.
Nous demandons donc que les maîtres d’ouvrage reviennent, sur cette partie projet, à la version initialement proposée à la concertation des habitants en 2008 et abandonnent la piétonisation du secteur des MAP ».
J'aurai l'occasion dans un autre billet de revenir sur le bilan tiré par Jean-Charles Nègre, dans un communiqué, de cette enquête publique.
Jean-Pierre Brard a repris les mêmes arguments. Mouna Viprey (RSM) a davantage fait dans la nuance : « Les habitants méritent d'être écoutés sur ce point précis, rien ne s’oppose en effet à ce que des voies de circulation automobile cohabitent avec le tracé du tramway dans les MAP. Arrêtons d’opposer automobilistes et transports doux, les deux peuvent cohabiter, pour se compléter ».

Les réponses de la maîtrise d'ouvrage et de la Commission d'Enquête
La Commission d'Enquête a fait sienne la réponse commune aux 3 lettres (Brard, PCF, Viprey) présentée par les maîtres d'ouvrage : voir ici les extraits des lettres et cette réponse. En particulier : « Les maîtres d’ouvrage précisent que des mesures seront prises dans le cadre du projet pour garder une emprise nécessaire au sud de la plate-forme du tramway afin de maintenir la possibilité de modifier ultérieurement l’aménagement pour rétablir la circulation automobile sur ce linéaire. Il est précisé que cette décision de réouverture à la circulation dépendrait entièrement du Maire de Montreuil-sous-Bois, détenteur du pouvoir de police de circulation, et non des maîtres d’ouvrage ». (NDPPJ : c'est moi qui souligne)

La CE revient enfin de manière synthétique sur le sujet, en partant de certaines inscriptions sur les registres, à deux endroits. Elle confirme que les études ont montré la faisabilité de la suppression (voir ici le point 3.1.6), et affirme que la concertation a été suffisante (voir ici le point 9.2.2).

Ce qui se traduit dans les conclusions par la recommandation suivante : « 2 – De préserver le tronçon de 12 mètres de large entre le tracé du tramway et le site de maintenance et de remisage (SMR) depuis la rue de Rosny jusqu’à la rue Pierre de Montreuil à Montreuil, pour permettre la réalisation d’une voirie locale en circulation apaisée, si la municipalité le décide ». (NDPPJ : c'est moi qui souligne) La CE a reconnu le caractère particulier du secteur. Le rapport indique, en ce qui concerne la compatibilité du projet et le secteur classé : « Le parti d’aménagement respecte la nature particulière de cet espace et suit les prescriptions des autorités compétentes, consultées dans le cadre de ce projet ».

Que penser de cette recommandation ?
La CE n'a pas souscrit au rétablissement de l'avenue paysagère demandé par les opposants. Mais elle a entendu leurs craintes, en recommandant de rendre réversible la suppression de la circulation, en prévoyant une voirie de 12 mètres, qui permettrait, si nécessaire, d'y faire passer une circulation de desserte. La CE a été très claire sur cette la nature de cette circulation ; non pas une voie de liaison intercommunale (ce qui est la fonction de l'avenue paysagère en dehors des MAP) permettant de rejoindre Paris plus vite, mais uniquement une circulation de desserte, apaisée, adaptée au secteur traversé.
Cela ne pose aucun problème, bien au contraire, à la municipalité. La réversibilité est toujours une bonne chose, qui permet de vrais choix. Le dossier soumis à enquête publique avait été finalisé à la fin de l'été 2012, et ne pouvait plus être modifié avant l'enquête publique. Les services (de la ville et des maîtres d'ouvrage) avaient eu des premières discussions sur la possibilité de mettre une circulation de desserte, sous conditions d'accès. C'est aussi ce que Dominique Voynet avait affirmé lors du débat public organisé début février 2013 : il sera possible d'étudier des ajustements après l'enquête publique. Il y a déjà la rue Saint-Antoine qui va être remise en circulation (aujourd'hui en impasse) comme voie de desserte du quartier.

L'enquête passée, il est donc possible d'avancer sans être bloqué par le préalable de la seule demande de rétablir l'avenue paysagère; il est possible de reprendre les discussions avec le cadrage fourni par la CE : la possibilité d'une utilisation comme desserte locale de l'emprise supplémentaire Sachant que de toute façon, cela perettra d'agrandir l'espace public au carrefour de la rue Saint-Antoine.
Avec une question à débattre : la desserte des MAP et des quartiers avoisinants nécessite-t-elle d'utiliser la réserve de voirie recommandée par la CE ? La période des travaux (où la voie sera fermée), ainsi que les premiers temps du passage du tram, permettront d'expérimenter le nouveau schéma de circulation, et de l'adapter si besoin