Le point de départ de la campagne en vue de la conférence climatique de 2015 à Paris

Une semaine plus tôt, la première partie du 5ème rapport du GIEC sur les évolutions climatiques venait d'être rendu public. Il mettait l'accent sur la nécessité de reprendre la pression sur les gouvernements en vue du COP21 de fin novembre 2015 à Paris et en même temps de montrer toutes les alternatives déjà existantes.
Préparée depuis près d'un an par l'association basque Bizi, cette initiative a fédéré près d'une centaine d'associations, pour la plupart du Pays basque et des Landes, ainsi que diverses collectivités territoriales ou entreprises dans le domaine de la transition énergétique. Derrière l'appel de Bizi, il y a une conception de la transformation nécessaire de nos sociétés; cela passe par le développement d'alternatives concrètes au sein de la société, par leur mise en relation et en visibilité et en même temps par l'action politique.
Parmi les interventions lors d'un des débats sur la transition énergétique, celle de Peggy Kançal, déléguée au plan climat, conseillère régionale EELV d'Aquitaine, venue présenter l'étude prospective sur les impacts du changement climatique en Aquitaine, à la manière du GIEC. Cette étude avait été coordonnée par Hervé Le Treut, un des climatologues au coeur du GIEC.

Un manifeste rédigé par les organisateurs d’Alternatiba a été lu en basque par Juan Lopez de Uralde, incarcéré au Sommet de Copenhague en 2009 pour l’action réalisée au diner de Gala des chefs d’Etat, et par l’épouse de Stéphane Hessel, Christiane Hessel Chabry.
Ce manifeste déjà traduit en 11 langues européennes est un appel a créer 10, 100, 1000 villages des alternatives dans toutes les villes et régions de France et d’Europe, d’ici à la COP21, important sommet international sur le climat, qui se tiendra à Paris fin 2015.

Le manifeste : appel à multiplier les villages des alternatives

"Stéphane Hessel affirmait qu'un des défis centraux de notre temps était "les changements climatiques et les dégradations dues à l’action de l’homme au cours des trois derniers siècles. Le dérèglement climatique s'aggrave et s'accélère, mettant à mal les populations les plus pauvres de la planète et à moyen terme les conditions de vie civilisée sur Terre".

Tous les signaux d'alerte sont au rouge. Les dérèglements climatiques se multiplient, touchant particulièrement les populations les plus pauvres du Sud, mais aussi celles du Nord : sécheresses, désertification, modifications des saisons, inondations, ouragans, typhons, feux de forêts, fonte des glaciers et de la banquise... Resterons-nous sans rien faire ? Allons nous continuer de regarder la planète brûler ?

L'enjeu est clair: réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre pour ne pas franchir les seuils dangereux, voire irréversibles de réchauffement et de déstabilisation du climat.

Le dérèglement massif, brutal, en un temps aussi court du système climatique est un défi sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

Mais  Alternatiba, cette journée magnifique, doit nous faire garder l'espoir : les solutions existent, elles sont déjà mises en oeuvre par des milliers d'associations, de collectivités locales, d'individus. Mieux : ces alternatives construisent une société plus agréable à vivre, plus conviviale, plus solidaire, plus juste et plus humaine.

L'agriculture paysanne, la relocalisation de l'économie, l'aménagement maîtrisé du territoire et le développement des alternatives au tout routier, la sobriété énergétique, l'éco-habitat, la mise au pas de la finance, la reconversion sociale et écologique de la production, la consommation responsable, le partage du travail et des richesses, l'entraide, la réduction et le recyclage des déchets, la préservation des biens communs comme l'eau, la terre ou les forêts en montrent les chemins... La lutte contre le changement climatique n'est pas une contrainte mais un élan formidable pour construire un avenir plus humain.

Hélas, les gouvernements, les puissants de ce monde ne suivent pas ces chemins. Les négociations internationales sur le climat pataugent et font fausse route. Les multinationales et les lobbies économiques font tout pour que ces alternatives ne soient pas appliquées car elles mettent en cause leurs sources de profit et de pouvoir.

Pire, ils imposent leurs fausses solutions, inefficaces et dangereuses : nucléaire, agro-carburants, OGM, mécanismes de compensation, financiarisation de la nature, géo-ingénierie, etc. Celles ci permettent de maintenir un modèle où le Nord  et les populations les plus riches de la planète pillent la nature, s'accaparent les richesses et dévastent l'environnement, notamment au Sud.

L'implication citoyenne, la mobilisation des populations et la réappropriation de notre avenir sont indispensables pour faire contre-poids à ce travail de sape. L'engagement de chacun et chacune d'entre nous, auquel appelait si fort Stéphane Hessel, est aujourd'hui une priorité pour relever le défi climatique.

La stabilisation du climat sera le fruit de notre union, de notre intelligence collective, de notre solidarité et de notre soif de justice sociale, de notre capacité à enclencher les changements ici et maintenant, à mettre en route la transition, sans plus attendre.

Fin 2015 aura lieu la COP21, la 21ème conférence de l'ONU sur le changement climatique. Six ans après la très médiatisée conférence de Copenhague, la COP21 devrait l'être tout autant, les Chefs d'Etat s'étant publiquement engagés à y adopter un nouvel accord international de lutte contre le changement climatique pour l'après 2020. L'horizon 2020 est signalé par la communauté scientifique internationale comme une période où nos émissions de gaz à effet de serre doivent avoir commencé à baisser de manière significative si nous voulons éviter le pire.

Pour que ces promesses ne restent pas lettre morte comme ce fut le cas à Copenhague, c'est aux citoyennes, aux citoyens, aux populations, de se mobiliser et d'agir pour que soient mises en place de vraies solutions. Ce d'autant plus que cette COP21 se tiendra à ... Paris, sur l'aéroport du Bourget !

La mobilisation populaire en France et en Europe sur les questions d'urgence climatique et de justice sociale redevient donc un enjeu d'une actualité particulière.

Le succès et le caractère fédérateur d'Alternatiba, ce Village des alternatives rendu possible par l'engagement de chacun d'entre nous ici à Bayonne, nous montre un des visages que pourrait prendre cette mobilisation citoyenne européenne.

Nous appelons toutes les villes et tous les territoires d'Europe à préparer à leur tour et dès maintenant leurs propres Villages des alternatives au changement climatique et à la crise sociale et écologique.

Il s'agira autant d'interpeller les dirigeants sur les conséquences dramatiques de l'absence d'accord international ambitieux, efficace, contraignant et juste sur le climat, que d'appeler les populations à mettre en route sans plus attendre la transition sociale, énergétique et écologique nécessaire pour éviter le dérèglement profond et irréversible des mécanismes du climat.

L'objectif sera également d'unir tous ceux qui d'une manière ou d'une autre, par les alternatives ou les combats dont ils sont porteurs, contribuent, parfois sans le savoir, à préserver le climat. Ce qu'a fait Alternatiba à Bayonne, nous pouvons le reproduire partout, dans des formats les plus divers.

Pour voir fleurir dix, cent, mille Alternatiba, ensemble, diffusons cet Appel autour de nous. Réunissons le maximum d'acteurs du changement pour préparer dès à présent les Villages des alternatives qui devront éclore partout en France et en Europe, jusqu'à la COP21 de Paris.

Unis et déterminés, nous pouvons gagner cette bataille au Nord comme au Sud. Pour nous et pour les générations à venir. Pour que l'on puisse dire, aujourd'hui aussi bien que demain : "nous nous sommes engagés quand il en était encore temps !"

Photo Bizi : la séance finale lors de la lecture du manifeste

Alternatiba dans la presse

Ce fut un succès populaire, très au-delà des réseaux militants mobilisables dans une initiative locale : des milliers de personnes sont venus débattre, s'informer, faire la fête. Sur le site de Bizi, on peut trouver un bilan à chaud du rassemblement, ainsi que des vidéos.

Egalement sur le site deMediapart et un reportage très complet sur celui de Reporterre, le site de Hervé Kempf

Plus récemment, le dimanche 2 novembre, France Culture a consacré son magazine sur l'environnement, Terre à Terre, à Alternatiba : une heure d'émission que l'on peut écouter en podcast

Un rassemblement basque

On ne peut comprendre le succès populaire du rassemblement si on fait l'impasse sur les racines de Bizi (une association bilingue) dans les mouvements nationalistes basques. On peut se référer à l'article publié dans Enbata.Mais ce qui vient à l'esprit, c'est l'approche des mouvements nationalitaires, notamment basque, par Félix Guattari il y a trente ans, où on peut lire par exemple :

« A travers elles (les revendications nationalitaires des basques, Polonais, Afghans), s'exprime l'exigence des collectivités humaines de se réapproprier leur propre vie, leur propre destin, ce que j'appelle un processus de singularisation. Cet essor des subjectivités dissidentes, pour être apprécié à sa juste valeur, appelle une nouvelle théorie des archaïsmes. (…) Quand les Basques, les Irlandais, les Corses, ou qui que ce soit d'autre, luttent pour reconstituer leur patrie, ils sont convaincus de défendre quelque chose qui s'inscrit dans une tradition. Ils croient s'appuyer sur une légitimité historique. Moi je pense plutôt qu'ils reconvertissent des représentations, des monuments, des emblèmes historiques pour se fabriquer une nouvelle subjectivité collective. Certes, leur lutte est facilitée par la subsistance de ces éléments traditionnels, à tel point que cela peut les conduire à des passions xénophobes ! (…) Tout le monde n'a pas la chance ou la malchance d'être irlandais, basque ou corse, mais le problème est similaire : il s'agit de réinventer des coordonnées existentielles et des territoires acceptables de socialité » (Félix Guattari, « 1985- Le cinquième monde nationalitaire », dans Les Années d'hiver, 1980-1985, pp.132-133. Réédition « Les Prairies ordinaires », 2009). Avec Alternatiba, on est en plein dans la fabrication d'une subjectivité collective et la conquête de nouveaux territoires de sociabilité.

Même si cela n'a rien à voir directement avec Alternatiba, il faudrait peut-être aborder les « bonnets rouges » bretons d'aujourd'hui avec ce genre de grille, davantage qu'en les traitant d'esclaves comme Mélenchon le fait.