Curieusement, Stéphane Goudet est venu hier soir avec quelques amis au meeting final de la campagne électorale d’Ibrahim Dufriche-Soilihi, sans doute un peu pour provoque, mais aussi pour défendre sa cause dans des discussions avec les participants au moment du pot final. Discussions animées, mùais qui sont restées, pour l’essentiel, courtoises

Rien de bien nouveau dans les arguments échangés, si ce n’est la confirmation de sa politique de défausse : oui, il y a eu une gestion irrégulière au Méliès (et les partisans de Jean-Pierre Brard le reconnaissent aussi dans le texte à la fin du billet), mais 
- ces pratiques remontent à l’ancienne association 
- elles ont été couvertes, voire suscitées par la hiérarchie, direction du service culturel, DGA, élu(e)s 
- Stéphane Goudet n’était pas directeur du Méliès, mais seulement directeur artistique (c’est donc abusivement qu’il s’est réclamé pendant toute une période du titre de directeur tout court).

Ce dernier point n’est pas très élégant, puisque davantage que les supérieurs hiérarchiques, c’est en réalité vers les deux régisseuses des recettes que Stéphane Gouder détourne l’accusation. Une manière abusive de nier sa responsabilité . Pour les accusations envers sa hiérarchie, et envers l’ancienne association, la procédure judiciaire en cours clarifiera peut-être les accusations de Stéphane Goudet. Mais, surtout, cette enquête devra essayer de faire la lumière sur la destination de l’argent disparu de la comptabilité officielle, à savoir retour dans les caisses (sans justificatifs trouvés par le CNC) ou autre utilisation.

Jean-Pierre Brard se moque du Méliès et de ses spectateurs, il veut poursuivre sa guerre privée

Sans surprise, la liste de l’ancien maire est celle qui a les positions formulées de la manière la plus « définitive » possible. Sortir de la communauté d’agglomération immédiatement, réembaucher Stéphane Goudet, remettre au cinéma les deux personnes actuellement transférées dans d’autres services et embaucher celle dont le contrat n’avait pas été renouvelé. Pour faire de la place, 3 des 4 personnes actuellement seront « humainement » transférées et la 4e, jugée incompétente, sera licenciée (vu ce que racontent Goudet, les spectateurs indépendants et Brard, on peut supposer qu’il s’agit de la directrice actuelle. 
Evidemment, ce beau plan est totalement mensonger et illusionniste. Si ce n’est juridiquement pas impossible de quitter Est Ensemble, c’est long, très coûteux pour les finances, et soumis à de multiples conditions dont l’accord des autres villes. Ce ne peut être un geste unilatéral. Le cinéma Le Méliès est déjà transféré depuis des mois et des mois, les personnels en dépendent, même si la finalisation du transfert a été repoussée au 1er juin. Ce ne pourra être la volonté du prince. 
On peut s’attendre d’ailleurs à ce que, s’il était élu, Jean-Pierre Brard remettrait en cause non seulement le compromis sur la finalisation du transfert des personnels du Méliès, mais le principe même de ce transfert (voté depuis longtemps), et relancerait donc la crise au sein de l’équipe du Méliès (partagée sur ce transfert) pour réintégrer « l’équipe de Goudet » (qui, faut-il le rappeler n’est pas l’équipe du Méliès, loin s’en faut). Au passage, il s’en prend à Est-Enseble sur ce dossier, avec des arrières pensées électorales évidentes, contre les autres candidats.
Clairement, c’est la volonté de poursuivre la guerre politique contre la gestion de Dominique Voynet, et poursuivre la politisation du Méliès. Il faut insister là-dessus : l’intervention politique dans les affaires du Méliès, comme de toute autre institution culturelle, ce n’est pas seulement que des élus interfèrent dans la programmation, mais c’est aussi l’instrumentalisation de cette institution par une politique partisane. De ce point de vue, il faut apprécier la proposition d’une charte pour la non interférence dans la programmation, faite par Ma Ville Je M’Y Crois comme une autocritique des mandatures passées de l’ex-maire, mais c’est totalement insuffisant pour garantir la neutralité du cinéma. 
Et pour conclure, un document » brut » qui gagne à être connu pour sa violence, ses mensonges, et la promesse de la poursuite du conflit qui enfonce le Méliès, au lieu de l’apaisement, avec des extraits de la réponse de Ma Ville Je M’y Crois aux spectateurs indépendants :
« Oui, nous réintègrerons Stéphane Goudet et Bénédicte Hazé dans l'équipe du Méliès. Oui, nous ré-affecterons Marie Boudon et Maud Mandille à leurs postes initiaux et ceci immédiatement. (...) Ces personnes ont été victimes d'une vendetta politique honteuse. Pour les faits qui leur sont reprochés et pour ceux dont ils ont été victimes, la justice doit faire son travail. En revanche cela ne nous empêche nullement de continuer à leur accorder toute notre confiance en attendant le jugement (…). 
La crise du Méliès est un excellent exemple de l'inefficacité, et de la dangerosité de cette communauté d'agglomération Est Ensemble. Inefficacité, car cette instance n'a pas joué son rôle de médiatrice pendant la crise. Au contraire, elle n'a fait qu'inquiéter par son silence ou ses messages contradictoires, fruits d'une stratégie politicarde et électoraliste plus que d'une réflexion réelle sur ce qui était en jeu. Dangereuse, car plus les centres de décision s'éloignent des citoyens, plus il est difficile de faire respecter la démocratie et d'agir en cas de problème. Oui, nous parlons bien de danger pour la démocratie (…). Pour mettre fin à cela, au premier conseil municipal le 5 avril 2014, nous annulerons le transfert de l'équipe, nous lancerons la procédure légale pour quitter Est Ensemble... 
Demeure la question des personnes qui sont aujourd'hui aux postes des évincées. Il est absolument inconcevable de créer une nouvelle situation de crise, de souffrance au travail et de mépris. Nous ne tomberons pas de Charybde en Scylla. Les victimes ne se transformeront pas en bourreaux. C'est pour cette raison que nous avons commencé à travailler pour que les personnes concernées soient accompagnées humainement, qu'elles trouvent une voie honorable et digne avec de vraies opportunités motivantes et valorisantes, soit dans un autre service de la mairie, soit à l'extérieur. Il n'y aura pas de mise au placard. Nous reconnaissons les compétences de 3 d'entre elles, nous ferons en sorte que d'autres professionnels en bénéficient rapidement. Nous sommes prêts. »

Le projet culturel du nouveau Méliès fait du surplace

Une sorte de malédiction pèse sur ce projet culturel. Le transfert / extension a été décidé en 2005 sans projet culturel, juste avec le besoin de faire vivre le centre commercial. Ce qui ne veut pas dire que personne n'y réfléchissait, mais avec une ouverture du nouveau Méliès annoncée pour 2007, on restait loin du compte. Le débat public n'existait pas. En 2008-2010, l'urgence a été de débloquer juridiquement, puis techniquement et financièrement le dossier du nouveau Méliès, et le projet culturel n'a pas avancé autant que souhaitable.
Dans le contexte de crise depuis l'automne 2012, l’élaboration du projet culturel du futur Méliès n’a pas pu vraiment se faire. Les partisans de Stéphane Goudet ont travaillé de leur côté, notamment au travers des Méliès éphémères, et de Renc’art au Méliès. La municipalité a poursuivi son travail, à la fois en interne, mais aussi en s’essayant à une démarche participative, à travers plusieurs cafés culture consacrés au nouveau Méliès. Dans les deux cas, des idées intéressantes ont été émises, mais cela ne pouvait que rester bancal dans ce contexte de guerre permanente. 
Une situation d’apaisement, et la volonté de replacer les spectateurs au coeur du nouveau projet, sont les conditions pour qu’un projet culturel à la hauteur des enjeux des nouvelles salles. Les problèmes existants sont connus : l’évolution des attentes concernant les projections en salle ; les activités complémentaires qui redonnent le goût de venir dans les salles ; les nouvelles pratiques des jeunes pour regarder les films hors des salles ; comment donner le goût du cinéma dans ces nouveaux contextes ; comment élargir le public actuel ; quelle politique « éditoriale » pour la programmation : le concept de « ciné-club de la revue Positif » est-il adapté ? Quelles sont les spécificités du public montreuillois pour présenter un cinéma de qualité, et en quoi est-ce différent d’autres public ? Telles sont quelques-unes des questions qui se posent, qui sont ébattues ici ou là, mais qui ne pourront déboucher que dans un climat apaisé.

Apaisement versus réintégration de Stéphane Goudet comme directeur

A mon avis, il y a longtemps que des mesures d’apaisement auraient pu être prises, si Stéphane Goudet n’avait pas choisi de s’aligner sur l’instrumentalisation politique déployée par Jean-Pierre Brard et ses amis en des élections de ces prochains jours. La politisation est l’ennemie de l’apaisement. Même quand on renvoie le licenciement de Stéphane Goudet à un « règlement de compte politique »... alors que son contrat venait d’être renouvelé. 
Pour les deux personnes mutées, cela pose surtout le problème, pour la comptable, de retrouver son habilitation comme régisseuse, ce qui ne dépend pas seulement d’Est-Ensemble, mais du Trésor Public. Mais, pourquoi pas. Cela ne remet pas en cause le bien fondé des sanctions à l’époque où elles ont été prises. 
Pour Stéphane Goudet, sa réintégration comme directeur peut figurer comme mesure de principe dans des programmes électoraux, l’application en est beaucoup plus compliqué, et seul Jean-Pierre Bard en tire toutes les conséquences : se débarrasser de la directrice actuelle. Au vu des accusations et mensonges de Stéphane Goudet contre Nathalie Hocquard (voir notamment son entretien dans Regards en septembre dernier), la cohabitation semble effectivement impossible. Les autres candidats restent évasifs sur ce problème concret. 
Remettre Stéphane Goudet à la direction (même en précisant « artistique ») du cinéma, ce serait prolonger la guerre, y compris au sein de l’équipe du Méliès. Le savoir faire de Stéphane Goudet en matière de gestion financière et administrative, comme en matière de « management » d’une équipe, ne sont pas révélées à la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un directeur. Mais personne ne nie ses compétences en matière de politique éditoriale, d’animation et d’apport en contenu dans les débats. Il y a là des domaines dans lesquels on peut chercher à lui trouver un rôle, à distance de la direction. La condition, c’est bien sûr qu’il opte de son côté, avec ses amis, pour l’apaisement et non pour la guerre à la manière de Jean-Pierre Brard.

Au terme de ce parcours en 9 billets dans l’histoire du Méliès, histoire dont j’ai été partie prenante ou associé depuis 1995, je tiens à souligner à la fois mon inquiétude devant la situation qui est suicidaire actuellement pour le cinéma, et qui le restera si la voie de l’apaisement n’est pas prise, et mon souhait que ce cinéma soit rendu à ses spectateurs. Je mentionnerai une nouvelle fois qu’à Bayonne, ville près de laquelle j’habite maintenant, il y a un cinéma municipal (géré par une association de 1400 membres), dont les acteurs politiques respectent la neutralité, et dont la qualité ou la réputation valent celles du Méliès. 
Et qui, soit-dit en passant, passe des films basques (c’est le problème du public visé) même s’ils ne sont pas tous recommandés par les instances des cinémas de recherche, de la même manière que le Méliès (avec l’ancien directeur comme avec la nouvelle) devrait s’intéresser davantage au cinéma africain, et en rapport avec l’immigration.

La série de billets
Déjà publié
Post 1 : Réponses à de fausses accusations de Stéphane Goudet (5/1/14)
Post 2 : La défense du cinéma comme service public local par les écologistes (31/1/14)
Post 3 : Le chevalier noir des multiplexes se mue en chevalier blanc de l'art et essai
(2/3/14)
Post 4 : Quelques documents sur le basculement du Méliès en 2008 en objet politisé par JP Brard et S Goudet (8/3/14)
Post 5 : « Mon cinéma » : Une forme de privatisation du Méliès (17/03/14)
Post 6 : L'accord secret entre UGC / MK2 et Dominique Voynet (18/03/14)
Post 7 : La crise de 2013 (20/03/14)
Post 8 : Nouvelles calomnies (20/3/14)
Aujourd'hui
Post 9 : Et maintenant ? Et c'est la fin des petites histoires.