Passer de la guerre à la coopération des gauches, cela fait sens

Le pluralisme des gauches et des écologistes est une donnée permanente. Les multiples crises, et les difficultés d'y répondre ne peuvent qu'accentuer cet éclatement. Et cela dépasse de beaucoup les aigreurs et inimitiés locales. Inventer un fonctionnement « pluriel » de la gauche est donc une obligation si l'on veut combattre les solutions libérales – à moins de régresser dans des postures « tous les autres sont des sociaux-traîtres ».
Également, il est indispensable de faire émerger un « bloc » à gauche, se battant pour une autre politique au niveau du gouvernement, sans tomber dans les rodomontades de Mélenchon (et de Brard localement), sans tomber dans de l'anti-hollandisme primaire.
C'est pour ces deux raisons qu'avec « Unir Montreuil », nous avons les contours d'une autre configuration de la gauche, pour une autre politique de gauche possible que celle majoritaire au gouvernement.
Cette perspective a été refusée, sans surprise, par deux autres candidats, se réclamant plus ou moins abusivement de la gauche, Mouna Viprey et Jean-Pierre Brard. L'une reste dans l'ego surdimensionné, et l'autre dans la revanche. Deux attitudes avant tout personnelles, habillées ensuite de « politique ». L'une comme l'autre accusent « Unir Montreuil » d'être un « mariage de la carpe et du lapin » et un « partage des postes » sans principes.
Dans la constitution de la liste « Unir Montreuil », il y a beaucoup plus qu'un front anti-Brard pour refuser un grand bond en arrière. Comme nous dit par EELV, « La guerre des gauches à Montreuil, ça suffit ! M. Bessac est un partenaire honorable. Nous aurons une gouvernance apaisée et des priorités partagées ».
Un échec fondamental de la mandature qui s'achève est de ne pas avoir réussi à apaiser les relations politiques au sein de la gauche à Montreuil. Les responsabilités sont évidemment partagées : les minorités n'ont pas réussi à dépasser le « trauma » de leur défaite de 2008, et les groupes de Jean-Pierre Brard et Mouna Viprey n'ont eu de cesse de pousser à la violence. Mais des élus de la municipalité ont aussi poussé à la confrontation, et, en tant que « au pouvoir », c'était à nous de trouvé les moyens d'apaiser le débat avec une partie des minorités. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que j'exprime ce point de vue dans ce blog.
Peut-être fallait-il une personnalité nouvelle (Dominique Voynet l'était aussi), d'apparence (mais en réalité?) plus lisse (Dominique Voynet ne l'était pas) pour réussir un tel apaisement : l'avenir le dira.

Un bloc pour une alternative à gauche, refusant la politique gouvernementale

Cette une position défendue depuis des mois par la gauche d'EELV, qui est aussi la mienne. Elle n'est pas nouvelle sur ce blog.
Il y a pour moi des convergences possibles entre certaines parties du FdG et d'EEL, malgré des divergences connues. La constitution de la 3e composante (Ensemble) du FdG, pour moi, va dans le bon sens. Et je suis personnellement certainement aussi proche de certains sous-ensembles de cette composante que de certains camarades de mon parti. En même temps, dans le FdG, il y a le PG, composite aussi (Martine Billard est une amie de 40 ans, même si je ne partage pas ses choix actuels), mais terriblement sectaire et anti-écolo sur Montreuil, presque les derniers des brardistes.
Ce qui a changé, localement, c'est le choix du PC de rompre avec Jean-Pierre Brard. Il était temps. Cela aurait été fait en 2008 qu'on en serait pas là, sous la menace d'un grand bond en arrière. Bien sûr, au départ, c'est une rupture d'appareil. Mais, même si nombre de mes camarades en doutaient et sont restés dans une vision essentialiste du communisme (c'est e même en 1950, en 1970, en 1990 et maintenant), et n'y croyait pas, c'est une émancipation du système brardiste qui s'est enclenchée. Il y a de la nostalgie, le poids d'anciennes pratiques, il y a ce que le PC est devenu aujourd'hui : pour tout cela, le partenariat ne sera pas un dîner de gala. Mais la situation montreuilloise a radicalement changé avec cette rupture, ouvrant la possibilité pour une telle alliance.

Mon seul regret est que notre liste (EELV) soit arrivée derrière celle du FdG – mais en même temps, c'était certainement plus facile pour lui et ses colistiers (et pour le Colonel Fabien aussi...) de réaliser cette alliance en ayant devancé notre liste, et refuser les avances de Jean-Pierre Brard.
S'il faut en passer par un maire communiste (ce qui pour moi est quand même assez archaïque) pour franchir une nouvelle étape du retour à une vie politique normale à Montreuil, alors cela en vaut la peine, même si c'est paradoxal.
Je n'ai pas d'illusion non plus : ce n'est pas par amour du partenariat avec EELV que le FdG local (fortement poussé par le PC) a choisi cette alliance, mais par le réalisme des rapports de force à l'issue du premier tour : pour être élu maire, Bessac avait besoin absolument de cette alliance. Un maire communiste à Montreuil valait bien une messe (laïque).
Pour EELV aussi, cette alliance était le meilleur moyen de faire vivre les principaux acquis de la gestion des 6 dernières années : des politiques publiques fortes ont été initiées. D'autres ont mois bien marché et ont besoin d'être transformées, ce que l'alliance réalisée permettra.

Cette alliance, que je souhaitai (et je l'avais écrit), semblait inévitable. Elle n'a surpris que ceux qui avaient une vision « fixiste » de la situation politique à Montreuil, et ne voyaient pas plus loin que les jeux de rôles lors des conseils municipaux. En centrant ses attaques / pressions contre Bessac, en tapant sur les Verts et Voynet, Jean-Pierre Brard, de ce point de vue, était lucide. Cette alliance était la seule à même de le faire chuter. D'où les batailles contre Bessac, à propos du label « Front de Gauche », du Grand Paris, de l'austérité et de la surenchère anti-gouvernementale, de la compromission des conseillers généraux avec la majorité socialiste du CG93, etc. La seule incertitude du 1er tour était l'ordre d'arrivée derrière Jean-Pierre Brard, et les écarts. De ce point de vue, les résultats étaient idéaux pour une bonne alliance... même si cela ne garantit pas, bien sûr, le résultat du second tour, ce sont les électeurs qui tranchent.

Les conditions d'un second tour des municipales

Cette année, il y a du changement, pas seulement à Montreuil.
Le ralliement, l'hégémonie : ce sont les pratiques habituelles du PC ou du PS à l'issue des premiers tours des élections à la proportionnelle. En particulier, en accordant seulement quelques strapontins aux listes arrivées derrière, avec comme chantage : vous acceptez les strapontins, ou vous êtes dans l'alternative « se retirer purement et simplement, et disparaître » ou « risque de faire élire la droite ». Jusqu'à présent, il n'était pas question d'appliquer une répartition de la liste fusionnée à la proportionnelle des résultats du 1er tour.
Cette année l'ampleur de la déroute du PS a entraîné une modification de cette attitude. Pour sauver des maires socialistes, le PS a été conduit à se rapprocher de la proportionnalité.
A Montreuil, la proximité des scores de la liste « Bessac » et de la liste « Dufriche-Soilihi », a poussé dans le même sens, et le nombre de sièges de chaque liste a été réparti à la proportionnelle des résultats du 1er tour, incluant la liste « Hammadi ». Dans de nombreuses villes aussi, aucun parti n'a la majorité tout seul. Cela oblige à rechercher des consensus plus larges, à refuser les passages en force, l'autoritarisme.
Mais, à Montreuil beaucoup, cela nécessite une forte « acculturation », cela nécessite d'apprendre à travailler en « pluriel » et non en « hégémonie ». cela nécessite de comprendre que cela reflète les disparités des habitants, de leurs attentes, de leurs intérêts. Et donc de rechercher des « majorités d'idées » (comme aurait dit Rocard) au sein de la majorité et du conseil municipal, mais surtout des nouvelles pratiques politiques, dans les relations avec les habitants et la manière de co-construire les choix.

Gagner d'abord le 30 mars, puis avancer avec les habitants

Je ne suis pas de ceux qui crient « union, union » indépendamment du projet. L'union (même partielle) des gauches et des écologistes est un moyen de conduire une politique publique, pas une fin en soi.
Il faut relire les programmes du premier tour. Il y a plus de points d'accords entre ceux de Bessac et de Dufriche qu'avec les autres et si la locution utilisée par la liste Bessac "sans revanche" a un sens, elle s'adresse aussi à la liste Dufriche. Ceci se traduit bien dans le communiqué (ici) annonçant la fusion et dans la charte d'engagements (ici).
Des désaccords, des difficultés, il y en aura, mais elles pourront se résoudre avec pragmatisme et dans le débat public avec les habitants.

Les yeux tournés vers Grenoble

A Grenoble, une liste écologiste et citoyenne, conduite par EELV et avec la participation du Parti de gauche, est arrivé devant le PS, lequel a refusé de fusionner, préférant tabler sur un report de voix de droite et d'abstentionnistes pour devancer la liste écolo-citoyenne au second tour. C'est très éclairant sur la volonté d'hégémonie qui subsiste au PS.
La démarche des écologistes grenoblois est celle dont je m'étais inspiré en 2001 pour monter la liste « Montreuil Ville Ouverte », qui a eu le succès que l'on sait, même si nous n'avions pas battu Jean-Pierre Brard cette fois.

La situation de Montreuil est différente de celle de Grenoble. « Unir Montreuil » reste davantage marqué par les partis que par des groupes de citoyens autonomes ; elle inclut le PS et l'ensemble du FdG, alors que ni le PC, ni le PS ne participent à la liste écolo citoyenne de Grenoble (où associatifs et citoyens non-encartés sont majoritaires). Mais dans les deux cas, si ces deux listes gagnent, ce seront d'autres majorités de gauche que celles hégémonisées par le PS, comme au gouvernement. D'autres majorités de gauche, pour d'autres politiques de gauche.

Une lettre d'Ibrahim Dufriche-Soilihi

« Au terme de longues heures d'échanges avec nos partenaires potentiels, en vue d'organiser les conditions favorables de réalisation d'une large liste d'union de rassemblement des forces de la gauche démocratique et écologiste à Montreuil, nous sommes parvenus à un accord qui ouvre une nouvelle page de l'histoire de la gauche politique et écologiste dans notre ville.
Je voudrais à cet instant, remercier et saluer chaleureusement Dominique Voynet, dont le travail colossal  de gestion de la ville pendant 6 ans, et dont le  "grand" geste de retrait a suscité  un immense sursaut citoyen, qui a donné naissance à un mouvement inégalé dans l'histoire des mobilisations citoyennes dans les villes. « Unir Montreuil » exprime notre volonté de mettre en oeuvre un projet qui suscite un désir collectif dans un climat apaisé, tous les espoirs sont permis dans une démocratie vivante!
Non seulement le bilan de Dominique Voynet est positif, mais de plus sa rébellion, contre les formes dévoyées de l'action politique a produit un sursaut au-delà des formations politiques que sont Europe Ecologie Les Verts, mais aussi dans l'ensemble de la gauche dans notre ville.
La formalisation d'un accord aujourd'hui, pour désormais gérer la ville dans un partenariat nouveau,  entre les trois  grandes familles de la gauche: écologiste, communiste, socialiste est un fait historique d'autant plus remarquable, que nous savons les dégâts des sempiternelles divisions antérieures qui nuisaient à la bonne respiration démocratique de la ville. Bien sûr, nous regrettons que RSM n'ait pas su saisir la portée de ce mouvement de rassemblement et a préféré faire cavalier seul alors que notre main  était tendue.
Mais ce mouvement est désormais en marche!
Un cadre de commun, véritable Contrat municipal pour une majorité de gauche et écologiste, solide et engagée pour le renouveau de Montreuil au service des Montreuillois-es , a été élaboré.
Il intègre nos objectifs de prendre des mesures fortes pour répondre aux exigences du quotidien, aux besoins de logement, d’emploi, d’éducation et de solidarité avec les habitants.
Le socle de notre union, est bien la solidarité et la nécessité de la transition écologique, c’est l’innovation et la défense du service public au service des Montreuillois-es, de leurs intérêts et de leurs besoins. (…)

Mouna Viprey, seule contre tous

Mouna Viprey a refusé de se joindre à la liste commune présentée par le FdG, EELV et le PS.
Dans un premier temps, elle a tenté une manœuvre « exotique » (selon le terme de Politis) : additionnant ses voix et celles de Razzy Hammadi, elle revendiquait la conduite d'une liste fusionnant la sienne, celle de Dufriche et celle d'Hammadi, dont, selon elle, le potentiel électoral (35%) était supérieur à celui de Bessac comme de Brard. Elle n'a pas convaincu... Dès le mardi 25 au matin, elle collait ses affiches et déposait sa liste à midi. C'était « moi ou rien », sans négociation. Elle justifie son maintien en disant : « Je ne participerai pas à la mascarade de l'alliance FdG-EELV-PS, je veux que les Montreuillois n'aient pas seulement le choix entre le père et le fils naturel de la même vieille famille communiste », et de renvoyer dos à dos Bessac et Brard.
Mouna Viprey se moque que Brard revienne à la mairie et elle en prend donc le risque ! Et si Brard perd, elle joue le coup d'après en pariant sur d'éventuelles difficultés qui ne vont pas manquer de surgir dans l'alliance Bessac-Dufriche-PS, pour essayer de se faire une place pour les législatives de 2017. Quand à la prochaine municipale, si Brard gagne celle-là, la place sera à prendre. On voit bien là l'école du parrain Don Barto : voir le coup d'après quand on a été battu, comme en 2014.

Jean-Pierre Brard : la revanche jusqu'au bout et la surenchère contre le gouvernement

Dès le dimanche soir, après les résultats du 1er tour, Jean-Pierre Brard a écrit tout seul des textes d'accord avec les listes de Viprey et Bessac, pour des fusions. Une logique purement électoraliste, où il s'agit de démontrer que l'autre est le méchant de l'histoire, parce qu'il refuse un accord déjà écrit. Tout le monde ayant ignorer ces « accords », Jean-Pierre Brard est rentré dans la dénonciation, sans cohérence avec l'épisode précédent : jusqu'à la fusion « Unir Montreuil », Bessac était Brard-compatible. Après il devient le pire ennemi, suppôt du PS et du gouvernement, voire de l'UMP (en raison de la présence sur sa liste de l'ancienne candidate de l'UMP en 2008, passée au PS il y a déjà quelques années). Il n'est pas jusqu'au PRG (inexistant sur la ville) qui ne se mette à soutenir Jean-Pierre Brard... pour sa position contre le gouvernement. Après le POI, le PRG, tout est bon pour quelques voix de plus.

On ne peut mieux résumer le vide sidérant du projet de l'ex-maire pour justifier sa candidature, que l'appel qui figure dans son communiqué:
« MA VILLE J’Y CROIS APPELLE AU RASSEMBLEMENT DE TOUTES LES CITOYENNES ET CITOYENS
• qui refusent que les Verts restent à la Mairie et qui veulent un vrai projet pour Montreuil, loin des combinaisons politiciennes, afin d’apporter des réponses concrètes et efficaces aux problèmes de la ville
• qui souffrent de la politique du gouvernement »

Et ses déclarations à la presse (Béatrice Jérôme, dans Le Monde) témoignent également du bluff constant depuis des mois sur lequel il base sa communication, se positionnant dans le costume du futur maire : « Voynet veut me tuer mais encore faut-il que les électeurs suivent. L'alliance du Front de Gauche avec les Verts est un suicide. La moitié des électeurs de Bessac voteront pour moi au second tour. » Et encore, fondant ses espoirs sur le maintien de la liste de Mouna Viprey : « elle va siphonner les voix des électeurs PS. Ce qui sera autant de moins pour la liste Bessac. Si nous gagnons, l' équipe de Mouna pourrait jouer un rôle dans la nôtre ».

On voit mal ce qui rattache encore Jean-Pierre Brard à la gauche : d'un côté, la vengeance plus que le contenu, avec l'éradication de tout ce qui vient de la municipalité « Voynet », dont la rupture avec la Communauté d'agglomération Est-Ensemble (et donc le repli dans les frontières de la ville et la relance du conflit avec les villes voisines – sauf celles de droite) ; de l'autre la violence contre le gouvernement qui n'a rien à envier à celle de la droite et du FN. En ce sens, le plagiat en début d'année des vœux de Chirac manifeste à la fois l'inconsistance politique de son équipe, que sa proximité idéologique. Si l'on y ajoute la chasse aux Roms et la démagogie populiste de proposition comme la « préférence montreuilloise » pour l'emploi, tout cela en fait une vraie liste de droite, voire pire.