Renaud Lagrave a annoncé sa démission sur son blog le 5 juin, dans une lettre aux militants socialistes que l'on peut télécharger ici. Au sein du PS, il fait partie du courant « Un Monde d'Avance », fondé par Benoît Hamon, Pouria Amirshahi et (entre autres) Henri Emmanuelli.

Il s'en est également expliqué lors d'un entretien avec le journal Sud-Ouest le 6 juin. L'article est « réservé aux abonnés », mais en voici quelques extraits significatifs :

« Il faut tirer des conclusions individuelles pour ces résultats catastrophiques. Aux municipales, ce n'est pas un raz-de-marée, mais c'est une démobilisation de notre électorat. On n'a pas su renouveler les candidatures, ni nos pratiques, ni nos propositions. »

(Aux élections européennes) « C'est inimaginable d'être derrière le FN dans les Landes. On peut supporter beaucoup de choses dans la vie, mais ça... »

« On arrive à la fin d'un cycle électoral. »

« J'ai soutenu le programme présidentiel : il y avait un certain nombre de mesures qui nous convenaient, y compris dans le programme européen. Mais aujourd'hui, un certain nombre de dirigeants, et non des moindres, ont complètement oublié les engagements auprès des Français. Je fais partie de ceux qui, au sein du PS, veulent rassembler la gauche et continuer à peser. »

(le PS est-il un parc à moutons ? – interroge le journaliste, reprenant une déclaration méprisante d'Emmanuelli) « Oui, on peut faire ce constat et il faut faire en sorte de ne pas rester dans ce cadre. Il faut remettre la politique au cœur des débats. »

La lucidité et l'autocritique nationale de Renaud Lagrave l'ont conduit à démissionner de ses fonctions, sans quitter le PS. Une telle attitude n'est pas si fréquente, et elle se respecte.

Les critiques nationales sont celles de son courant, peut-être avec un peu moins de langue de bois. Ce courant s'affirme comme « la gauche décomplexée », et a fait partie du groupe des 41 députés qui se sont abstenus lors du vote sur le pacte de stabilité le 29 avril dernier. Une semaine après les « socialistes affligés », il organise le 14 juin sa propre rencontre publique sur le thème « comment rassembler la gauche ». Il faudrait y ajouter « sur quoi », car nombre des animateurs des gauches du PS sont loin d'avoir fait leur « coming out » sur les enjeux de la transition énergétique et la fin du fétichisme de la croissance « capitaliste ». Et comment « rassembler » (en plus au sein du PS semble-t-il) sans se poser la question de « refonder » ? On peut lire ici une contribution intéressante de Jacques Bidet, écrite pour le Front de Gauche, mais peut valoir pour tous les partis, ou courants de partis.

En ce qui concerne la situation des Landes, Renaud Lagrave cible surtout les dysfonctionnements internes et les ambitions personnelles, pour expliquer l'ampleur des dissidences et les échecs des candidats officiels face à la droite et aux dissidents. Peut-être faudrait-il mettre la question à l'endroit : quelle est la racine de cette décomposition politique, à l'oeuvre dans le PS landais, qui fait un boulevard à ces ambitions et échecs ? Est-ce seulement la conjonction de l'échec du gouvernement et des dysfonctionnements locaux ? On peut en douter. Et rechercher du côté des conceptions politiques à l'oeuvre sous l'égide d'Emmanuelli, tant du point de vue du mode de développement économique et de la démocratie locale et participative. Il est difficile de trouver des marqueurs « de gauche » dans les relations entre le Conseil général (présidé par Emmanuelli), le monde économique et l'agrobusiness du maïs. Difficile de voir dans la politique hégémonique à l'égard des autres courants « à gauche » et dans le développement de réseaux clientélistes autre chose qu'une politique très à l'ancienne, loin des exigences de transparence politique et de respect de la citoyenneté.

Dans sa lettre aux adhérents, Renaud Lagrave fait 5 propositions :

1. « Relance de l’Union des Elus Socialistes et Républicains afin de mettre en place un observatoire de la droite municipale, meilleur coordination de l’action de nos élus et organisation de formations dans notre département.

2. Mise en place de forums thématiques ouverts au-delà de nos rangs afin de préparer les prochaines échéances électorales

3. Réforme du règlement intérieur de la fédération en vue d’organiser nos futures désignations et fusions des sections à l’échelle intercommunale

4. Proposition aux autres organisations de mise en place d’un conseil départemental de la gauche

5. Rédaction d’une charte de déontologie pour les élus landais »

On reste très loin du compte, et ce n'est pas avec cela qu'on donnera une nouvelle impulsion à la gauche dans les Landes et qu'on fera refluer le FN.