Note préalable : l'adjoint à l'urbanisme ayant fait (volontairement) un contre sens manifeste sur le mot "négationnisme", en le retirant de son contexte de ce billet, et subséquemment lancé une tempête dans un verre d'eau, j'ai inventé un mot qui dit la même chose pour le remplacer : "négateurisme" (négateur est lui dans le dictionnaire)

En mars 2008, la première phase de rénovation urbaine et sociale (le PRUS) se terminait. Elle faisait partie des programmes de l'ANRU. Le PRUS avait été lancé à la suite de l'incendue d'un immeuble quelques années auparavant.
Parmi les réalisations de la phase I, des choses se sont révélées très positives, comme l'installation d'ateliers d'artistes, un plus pour la vie du quartier. L'ouverture du quartier vers l'extérieur avec la perspective de créer de nouvelles rues à travers une « barre » de logements. Le passage du bus à l'intérieur du quartier. Des maisons de ville, en location ou en accession sociale à la propriété : l'introduction de « mixité sociale » au forceps dans ce genre de quartier reste contestée. Mais ces nouveaux logements permettent, au moins, un parcours résidentiel pour des habitants du quartier.
Globalement, le PRUS, phase 1, ne s'écartait pas du cadre rigide de l'ANRU, sans ambition : une intervention sur le bâti, de la mixité sociale. La phase 2 n'était pas encore totalement financée. Le maire sortant comptait sur un ANRU II (mode : l'Etat nous doit...), avec des promesses de Gascon à destination des habitants pour la suite. La suite du PRUS était donc bien compromise

De maison de quartier, il n'était pas question. Le château d'eau devait être rasé et remplacé par un parking pour le centre commercial voisin. La réhabilitation des logements était au minimum syndical. Il n'y avait aucune réflexion sur les relations entre urbanisme et vie du quartier. Enfin, plusieurs dizaines de démolitions de pavillons et de logements étaient prévues.

Moins de démolitions

La dentelle plutôt que le bulldozer. Deux percements de la barre d'immeuble au lieu de trois. Nouveau dessin des nouvelles rues, pour limiter la destruction de pavillons à quelques unités. Et surtout, maintien du château d'eau.
Inutilisé depuis des années, c'était un « signal » du quartier auquel les habitants étaient attachés, mais résignés à sa démolition par l'ancien maire. La brocante annuelle se tient début septembre à l'ombre du château d'eau, et cela faisait mal au cœur de le voir disparaître.
Moins de démolitions, c'est aussi davantage de respect pour les habitants en évitant une procédure expulsion / relogement, d'autant plus pénible que les occupants des pavillons étaient souvent des personnes âgées.
Moins de démolitions, ce sont aussi des millions d'euros économisés, et susceptibles d'être redéployés pour améliorer le projet. Mais il n'était pas obligatoire que ces millions non dépensés restent à Montreuil, ce n'était pas la règle de l'ANRU, et la ville a du négocier dur pour pouvoir utiliser ce financement à Montreuil.

Un quartier sous le signe de l'eau

Avec la conservation du château d'eau, la rénovation de l'ancienne mare Bris, laissée en friche inaccessible jusqu'alors, a été incluse dans la phase II du PRUS
De même, des noues (pour récupérer l'eau de pluie) ont été installées dans les nouvelles rues, rendant visible la présence de l'eau.
Par contre, le projet de transformer le château d'eau en centrale de chaleur en l'habillant de panneaux solaires, pour chauffer les logements voisins, s'est avéré non rentable et a été abandonné.

Mettre l'environnement au cœur du PRUS

Avec deux axes essentiels. En premier lieu, avec l'OPHM, le programme des réhabilitations a été complètement revu pour une véritable qualité énergétique. En second lieu, les espaces publics ont été particulièrement soignés : placettes, jeux pour enfants, espaces verts, la place centrale, les haies palissées (en écho des murs à pêches voisins), etc, en complément de l'omniprésence de l'eau.

La maison de quartier

Selon un tweet de l'adjoint à l'urbanisme, les anciens militants du Bel Air seraient à l'origine du projet, il y a 10 ans. Tout le monde aura compris que la mention de ce chiffre, « 10 ans » est là pour gommer le passage de Voynet comme maire entre 2008 et 2014. La réalité est bien loin de ce négateurisme.
En 2008, quand Voynet a été élue maire, aucune maison de quartier n'était à l'ordre du jour dans le PRUS. Il n'y avait ni projet, ni financement, ni localisation ; au plus une promesse au bas du programme électoral de 2008 du maire sortant.
Les habitants rêvaient d'une maison de quartier comme le Centre Lounès Matoub dans le Bas Montreuil, qui venait d'être inauguré. Avec une réaction habituelle, « tout est pour le Bas Montreuil, rien pour le haut ». Avec aussi une sorte de concurrence entre les quartiers : A La Noue, on avait les mêmes rêves.
L'idée était avancée de construire une telle maison sur le parking du stade, ce qui aurait obligé à construire un nouveau parking en sous-sol pour garder l'homologation du stade, d'où des coûts franchement exorbitants. La ville a donc fait dans la sobriété, en utilisant une parcelle compliquée en face du château d'eau, et en concevant une maison de quartier bilocalisée : la construction de ce bâtiment neuf près du château d'eau, et la réhabilitation complète de l'ancien centre culturel des Grands Pêchers, quelques centaines de mètres plus loin. Ce dernier avait été souvent squatté ou même dévasté, peu utilisable donc, symbole d'un quartier laissé à l'abandon
Pour le nouveau bâtiment en face du château d'eau, la parcelle était biscornue, et il a été très difficile de convaincre les techniciens de la possibilité d'utiliser cet endroit pour y faire une maison de quartier : le volontarisme politique est souvent indispensable...
On peut dire que les anciens habitants du quartier rêvaient d'une maison de quartier, que la municipalité Voynet l'a faite, et que Bessac l'a inaugurée...

Donner vie au quartier et du sens à la rénovation urbaine

Ne pas en rester au bâti, mais donner une cohérence et un sens, qui permette de « faire quartier » et non cité dortoir. Beaucoup d'éléments du PRUS concourent à cet objectif : les nouvelles rues, le trajet du bus, le jeu des placettes, etc. Peut-être aussi – ce n'était pas envisagé à l'époque – une station du métro L1 aux Grands Pêchers.
Mais la création d'une place (au lieu du carrefour pré-existant) permet l'existence d'un centre identifiable, visible, pour le quartier. Pour cette place, il y a le château d'eau, la mare Bris rendue accessible, la maison de quartier Espace 40 et un centre commercial tout neuf. Tout est terminé, seul l'aménagement de la parcelle au pied du château d'eau reste à finaliser.

La participation des habitants

Il va sans dire que la nouvelle orientation du PRUS a été discutée avec les habitants, en particulier la place centrale, la maison de quartier bi-localisée, et les espaces publics. Nous nous sommes appuyés sur un « jeune » bureau d'études, « Ville Ouverte », qui intervenait pour la première fois sur Montreuil, et qui a innové sur la manière de travailler avec les habitants, en faisant agir avec lui des jeunes du quartier pour s'adresser aux habitants plus âgés. Ce bureau d'études, depuis, a été choisi à plusieurs reprises par la ville pour faire participer les habitants d'autres quartiers.
Tout ne s'est pas toujours fait dans le consensus, il a fallu souvent « ramer » contre le scepticisme. Et tout est loin d'être parfait dans le PRUS II, on aurait pu faire mieux, et, surtout, les questions activités économiques » n'ont pu être introduites dans ce PRUS. J'ai laissé de côté le volet habitat / logement (qui dépendait d'un collègue), et il faut aussi mentionner la création d'un centre municipal de santé dans ce quartier, qui contribue à la dimension « nouveau quartier » de l'ensemble « Bel Air / Grands Pêchers »

Lutter contre la fracture Haut / Bas Montreuil était une priorité pour l'équipe élue en 2008. C'est en ce sens que nous avons revu le PRUS, et que nous en avions fait une des priorités de notre mandat. Il a fallu deux ans pour faire accepter par l'ANRU ce nouveau PRUS du Bel Air. Et c'est seulement maintenant, 5 ans après, que les travaux sont en fois d'achèvement et ls inaugurations ont lieu.
Nous avons fait mentir tous ceux qui racontaient, entre 2008 et 2010, que tout cela, c'était encore du vent, de l'enfumage des habitants et que rien ne se réaliserait. Il faut dire, à leur décharge, qu'en 2008, l'expérience des promesses non tenues était vive sur ce quartier.

J'ai été en charge, pendant ces deux ans, de la refonte du PRUS, jusqu'à l'accord de l'ANRU aux transformations. Mi-2010, une collègue, Agnès Salvadori a pris en charge la politique de la ville, donc le PRUS, jusqu'à la fin du mandat. Devenu délégué à la citoyenneté, j'ai assuré le suivi de la concertation pour les nouvelles réalisations, avec aussi Muriel Casalaspro, en charge des centres sociaux, et donc de la mise en place effective de la maison de quartier, au-delà du principe acquis de sa création. Elle est toujours en charge de ce domaine aujourd'hui, adjointe dans la municipalité « gauche plurielle »...

Pour finir, quelques photos de l'inauguration de la place et de la maison de quartier, faites par des participants.

Dominique Voynet et des membres de sont équipes étaient présents à l'inauguration de la maison de quartier

L'Espace 40

La mare Bris, avec vu sur le chateau d'eau en lumière et sur l'espace 40

Le chateau d'eau illuminé par Claude Lévêque. On peut trouver le portrait de cet artiste montreuillois par Libération ici

Enfin, en juin dernier, alors que le chantier touchait à sa fin, j'avais fait "une promenade subjective" dans ce quartier (et dans d'autres) : voir mon billet du 16 juillet ici