Un sondage biaisé, mais parlant

Les résultats complets de ce sondage sont ici.



Comme pour tous les sondages, les limites sont importantes. Ce n'est même pas une prévision de vote, juste une photo des intentions à deux semaines de l’élection, sur un faible échantillon (600 personnes interrogées par téléphone) – ce qui implique des marges d’erreur fortes : environ 4 % sur Bessac, 3 % sur Alphonse, 2 % sur les autres listes testées.
De plus, ce sondage est fortement biaisé par le choix des listes testées comme par leur présentation, qui est déterminante. Pour ce sondage, elle est pour le moins bizarre. Tout ceci relève d’une mauvaise appréciation de la situation montreuilloise. Il y a des oublis (« Montreuil c’est vous » par exemple) de listes annoncées et bien engagées. La liste « citoyenne et écologiste », Movico, est rabattue sur une dissidence du PS, sous prétexte que Chokri Yonis, la tête de liste, est une ex-PS, de plus étiquetée comme "un" dissident...La 2e liste écologistes est donc, en réalité, absente aussi du sondage. La liste soutenue par Brard n’a pas la bonne tête de liste. Approche superficielle de l’IFOP, manque de professionnalisme (de contacts sur le terrain)… plutôt que manipulation comme certaines commentaires l’ont avancé. 
Autre remarque méthodologique : Brard, l’ancien maire, faisait des sondages de notoriété ; seul le maire et quelques adjoints « vétérans » étaient connus d’une majorité (au-delà de 30%) des habitants. Seuls Bessac et Brard, dans ce sondage, sont identifiés par la plus grande partie des habitants. Peu importe la tête de la liste soutenue par Bard, c’est un label en tant que tel. Les étiquettes sont plus déterminantes que les personnes. 

48 % (+- 4%) d’intentions de vote pour l’union de la gauche derrière Patrice Bessac : cela me semble personnellement crédible. On ne peut exclure une victoire dès le 1er tour. Si son bilan 2014-2020 est exécrable, il a su rassembler, dans la douleur et au prix de crises chez ses alliés, l’ensemble des partis de gauche, et une branche de l’écologie("urgence écologie". Faute d’opposition véritable, faute d’alternative crédible en 2020, faute de mieux donc, il paraît, malgré les critiques faites par plein d'habitants, en mesure de porter l’aspiration au rassemblement à gauche (ce qui pour moi inclut les écologistes). Une aspiration à ne pas négliger en ces temps de casse du système social et où l’extrême-droite est à l’affût. 
Pour le reste du sondage, la droite est plus faible que jamais (11%), Brard a encore un bout d’électorat (9%), l’extrême-droite se replace sur la scène montreuilloise (7%). Et faute de présence de la 2e liste écolo dans le sondage, « le » dissident socialiste (sic) est, sans surprise, à 3 %. 

EELV
Ce sondage devrait interroger EELV sur ses prétentions et sa stratégie. 20 %, c’est le score que nous avions fait en 2001, dans un contexte moins favorable. En 2001, Montreuil était avec Grenoble et ceratins arrondissement parisiens, les villes où les écolos faisaient leur meilleure score. En 2020, si le score du 15 mars confirme peu ou prou le sondage, EELV Montreuil est laissé sur la grève de la vague verte : de nombreux sondages sont au-delà de 30 %. 
20 %, c’est aussi avec un sondage qui présente EELV comme seule liste écologiste, alors qu’il y aura le 15 mars une 2e liste écolo, movico. 
Ce sondage montre qu’EELV ne semble pas avoir réussi à construire une crédibilité face à Patrice Bessac, compte tenu à la fois de son bilan (ou du moins de celui du groupe autour de Mireille Alphonse) et surtout de la stratégie mise en œuvre. Certains ont cru que la simple affirmation du sigle EELV suffirait. Et envisageaient même de gagner la mairie sur cette base. Une petite majorité du groupe local EELV (cela s’est joué à quelques voix) a validé cette stratégie de passage en force, à l’encontre de la minorité d’adhérents proposant une stratégie de rassemblement interne du groupe, et des écologistes et citoyen.ne.s de Montreuil. 
Ce sectarisme interne et externe est en train de provoquer un beau gâchis. Mireille Alphonse et ses proches étaient « aux responsabilités » en 2014-2020, sous la houlette de Patrice Bessac. S’ils devaient faire le score envisagé par le sondage, non seulement ils ne pourraient prétendre diriger la ville, mais ils se retrouvent complètement dépendants du bon vouloir de Patrice Bessac pour retrouver des postes.

2e tour
Car les intentions de vote pour le 2e tour sont là-aussi brutales : Le maire sortant n’a pas besoin des voix écolos pour l’emporter, même en cas de triangulaire, et la droite est moins que jamais dangereuse : 61 % pour Patrice Bessac, 25 % pour Mireille Alphonse et 14 % pour Murielle Mazé. 25 % au 2e tour pour des écolos en 2020, c’est moins que ce que nous avions fait en 2001, 28 % dans une quadrangulaire.
Sauf erreur de ma part, d’autres listes absentes du sondage, se présentent le 15 mars et, bonne nouvelle, les lepénistes n'ont pas réussi à faire leur liste : à droite, l’UDI, un DVD et l’UPR. Chez les trotskistes, 3 listes comme souvent, le NPA, LO et le POI-D. Chez les vrais citoyens, « Montreuil c’est vous » et chez les faux citoyens, une liste soutenue par Brard mais avec une autre tête de liste que Cheikh Mamadou. Et movico, la 2e liste écolo. 
S’il subsiste une (maigre) chance de troubler le jeu électoral, et de dessiner une alternative pour 2026, ce sera par le regroupement des deux listes écolos pour le 2e tour.
Et heureusement, une élection c'est fait pour démentir les sondages

Patrick Petitjean, 29 février 2020