Quand je suis arrivé à Montreuil fin 1994, l’association MAP venait d’être créée pour donner une dimension plus globale à la protection du site, jusque là prise en charge par la Société d’Horticulture, bien seule. Comme tous les écologistes de la ville, j’ai soutenu ce combat de l’association contre les projets d’urbanisation portés par l’ancien maire, Jean-Pierre Brard. 

Retour sur la mandature écolo et les MAP
Des avancées partielles ont eu lieu dans les années 2000 (parcelles confiées à des associations, classement d’une partie du site à l’initiative de Dominique Voynet, alors ministre, en 2001, …). Quand nous sommes arrivés à la mairie en 2008, notre première décision a été de retirer la délibération prise par la municipalité brardiste de construire des dizaines de pavillons sur le site ; l’ex-maire avait même commencé à recueillir des candidatures de futurs propriétaires…
Nous avons réuni une commission extra-municipale, avec des élus, des associations et des personnalités, qui a travaillé plusieurs mois, et ouvert la perspective d’activités horticoles, y compris d’une ferme « rentable » sur le site – malgré la pollution des sols qui les associations nous avaient rappelé – et pour laquelle nous avions engagé plusieurs études pour une dépollution par les plantes. Nous avions du cependant prendre une interdiction de certaines cultures.
Les associations ne partageaient pas complètement cette perspective de « ferme urbaine », concevant le site comme un archipel de lieux aux activités les plus diverses, ludiques, culturelles, découvertes de la nature, culture et jardinage, patrimoniales. Au fil des ans, c’est cette vision du site qui s’est imposée, avec le développement des associations et de leurs activités. Nous n’avons pas non plus su mettre en place une gouvernance adaptée à cette situation, et l’affaire EIF montre le coût de cette absence.
La construction (décidée par la municipalité Voynet) de la piscine écolo à la frontière du site est restée cohérente avec la protection du site. C’est moins le cas de deux constructions empiétant sur le site auxquelles elle n’a pas pu (voulu) s’opposer. Celle d’un collège (nécessaire à Montreuil), par le Conseil Départemental, sur des terrains lui appartenant. Celle d’un garage (SMR) pour le futur tramway : une localisation alternative à Romainville ayant été refusée.

La relance de l’urbanisation par la municipalité Bessac
Ce fragile équilibre a été remis en cause ces dernières années par le maire de Montreuil, inscrivant ses pas dans ceux de Jean-Pierre Brard. Sous prétexte de rénover une vieille usine polluée (EIF), des parcelles publiques seront revendues à Bouygues pour y construire 83 logements, supposés équilibrer financièrement l’opération rénovation / dépollution… Voir l’article récent de Reporterre sur le sujet. Il y a quelques semaines, le Conseil d’agglo a voté un nouveau PLUI qui entérine cette ouverture à l’urbanisation.
Cette opération immobilière a été lauréate de l’appel à projets « invention la métropole du Grand Paris », dont le promoteur est Jean-Louis Missika, adjoint à l’urbanisme d’Hildalgo. C’est peu que cette perspective de développement urbain est profondément anti-écolo, et totalement déphasé au regard des villes résilientes. Inventer un nouvel urbanisme, adapté au changement climatique, est un des principaux thèmes porté par EELV à Paris. On aimerait le voir davantage repris par EELV à Montreuil.
Car, surprise, ce projet EIF a été soutenu par une partie des élu.e.s écologistes de Montreuil, et notamment par Mireille Alphonse, la tête de liste cette année pour la mairie. Et ce, à l’encontre de l’histoire des écolos de la ville. Les élections approchant, il semble que ses positions aient évolué : abstention sur le PLUI, et maintenant signature du pacte proposé par la fédération des MAP, qui demande l’abandon du projet EIF. C’est une bonne nouvelle, et un bon début pour un accord de second tour entre les deux listes écologistes, même si la durabilité de ce virage peut laisser sceptique.

A l’inverse de la branche « canal officiel » (qui a emporté le sigle) d’EELV, la branche « canal historique » d’EELV (qui participe à la liste Movico) s’est toujours opposé au projet EIF, et a notamment voté contre le PLUI. Movico a logiquement signé le pacte proposé, qu’on peut lire ici. Et a publié un document pour rappeler les enjeux du site, de sa préservation et de la mise en place d’une gouvernance d’ensemble. Les propositions de Movico pour les MAP sont ici.

Patrick Petitjean, 2 mars 2020